Il va falloir rendre les chaises aux voisins.
"viens t'assoir là, fille"
Elle s'assit lourdement sur le rebord de la fenêtre. Ses yeux parcoururent lentement l'intérieur de la pièce. Elle se sentait fatiguée, usée ; la journée avait été longue... Maintenant que tous étaient partis, elle allait pouvoir tenter de dormir... un peu... Oui, ça avait été une dure journée, lourde d'émotions contenues... "Il va falloir rendre les chaises aux voisins." pensa-t-elle.
"Tu as le temps, fille... Tu verras ça demain" dit sa mère. "On a bien fait, non? pour la piperade... tout le monde a eu l'air d'apprécier."
Alors ça, pour apprécier... Ils s'étaient même gavés ! les marmittes étaient vides, littéralement récurées... comme si la nourriture du corps avait pu d'un coup calmer les douleurs de l'âme...
"J'ai bien aimé ton petit discours" dit sa mère. "tu as dit de si belles choses sur moi... et ces fleurs... mmhhh, ça embaumait! c'était toi, non, le jasmin?
Oui, c'était d'elle, ce chemin de jasmin, fleur préférée de sa mère... "Maman, laisse-moi maintenant... tu dois partir... il est temps, non?"
"Oui, je sais bien... j'y vais... c'est juste que... c'est plus dur que je ne pensais, de te quitter..."
Finalement, elle avait envie de peindre, et plus d'aller dormir... "Peindre quoi, fille ?"
Tout ça. Cette pièce vide, abandonnée, si calme en même temps ; ces chaises dépareillées, usagées... si chaleureuses ; ce parfum d'abandon tranquille, dans cette pièce réchauffée par le soleil mourant... Ce sera son cadeau d'adieu, pour Elle. Elle lui manquait déjà tant... Elle sentit sa mère reculer doucement.
"Tu l'appelleras comment, ton tableau, ma fille ?"
La voix s'atténuait, s'éloignait, se faisait murmure dans sa tête.... Son regard se posa sur l'urne, emplie de cendres qu'elle irait éparpiller au dessus de l'océan, au gré du vent d'hiver... bientôt.
"Absence. Je l'appellerai absence, maman...".
Je dédie ce petit texte à tous ceux et surtout toutes celles qui ont mal à leur mère...