Le Prince de Venise
tableau de Nadayia
Quand le jour s'éteint, les ombres s'emplument de soie. Les robes évaporent leurs froufrous dans les rues embrumées, chuchotis perlés dans la nuit qui s'installe...
Une nuit vénitienne aux détours de mes rêves...
A l'ombre d'une ruelle je les regarde parader, m'étonnant de leur grâcieuse frivolité. Costumes d'hier revisités de strass, vieilles dentelles sur velours mordorés
C'était un soir, à Venise et le carnaval commençait.
C'était un soir à Venise, et mon coeur se mourait.
Le bleu d'un masque roi aperçu dans la foule détrône d'un seul coup toutes ces vanités. Tout emprunt de noblesse, vois ce songe bleuté déambuler à son aise parmi la foule endimanchée. Un halo vaporeux nimbe le personnage qui cache sous le beau toute sa fatuité. Etranger à tout, il avance, Prince parmi les valets, Roi d'un soir et de l'éternité.
C'était un soir, à Venise et le carnaval s'enflamait.
C'était un soir à Venise, et mon corps se fanait.
Il traverse la place, poudreuse volupté bleutée. C'est le plus beau des masques et la foule le sait. Pressée autour de lui, elle veut l'accaparer. Mais le masque s'enfuit loin de leur mains avides et continue lointain sa tranquille avancée. Un roi parmi les gueux, éphémère splendeur un rien galvaudée, un étrange charme se dégage de sa silhouette moirée.
C'était un soir, à Venise et le carnaval se consumait.
C'était un soir à Venise, et ma vie s'en allait...
Il a disparu au détour d'une ruelle et soudain le froid s'est installé. Une douce bruine a mouillé les pavés et dissous les passants, comme on souffle une bougie à la fin de la fête.
N'est resté qu'un parfum, un doux secret musqué. Un avant-goût d'ailleurs, aux senteurs surranées.
C'était un soir à Venise et le carnaval se mourait.
C'était un soir à Venise, où jamais je n'irai...