Colère de muse...

Et maintenant, ça suffit ! Marre des compromissions, des mensonges, de l'hypocrisie. Ça suffit, oui ! Je me taille, l'artiste. Je te laisse le soin de continuer tout seul !

Oh je me doute bien que tu vas râler, tempêter, hurler, pleurer même ? Eh ben, je m'en fiche !
Je te hais, toi et tes hésitations idiotes ! Toi, l'Harpagon des temps modernes, avare de tout, surtout de toi-même ! Tu vis seul, en haut de la cathédrale de la Sainte Vanité de ta petite, toute petite personne ! Au milieu des gargouilles que tu rends belles, tant tu respires la laideur ! Parfaitement ! Tu es laid, mon pauvre ! Les fleurs fânent à la vue de ton ombre, les oiseaux chantent faux quand tu parles, même les corbeilles se barrent, de peur de recevoir tes restes ! Quand à ton âme, elle est tellement grise qu'elle endeuille tout ce que tu touches ! Tu es tellement suffisant que ç'en est risible ! On dirait un coq gonflé de son importance qui pérore dans un poulailler vide !

Oui, je te hais ! Et je le crie haut et fort à la face du monde ! Qu'ils sachent qui tu es vraiment : un pauvre rien, sans aucun talent. Tu te prends pour Mozart, exige Ton requiem, rien de moins ! Non mais tu rêves ! C'est pas un requiem que tu composeras ! Une doucereuse musique d'ascenceur, voilà un costume qui t'ira mieux ! T'es tellement nul que tu m'as vidé de tout mon possible ! Mon inspiration est aussi sèche que les bancs publics sont vides, les matins d'hiver !
Et puis, merde, à la fin ! Pourquoi je m'égosille ? Tu es sourd ! T'entends rien, de toute façon ! Les critiques te glissent dessus, t'es tellement imbu de toi-même que tu ne comprendrais même pas que c'est de toi que je parle !

Quand je pense que j'ai quitté cette gamine pour toi ! Si mignonne, si gentille, si humble face à sa musique ! Une adorable petite gamine, douée, mon pauvre, t'as pas idée ! Le talent à ce point-là, cherche pas, t'es pas équipé pour comprendre !
Elle, tu vois, il lui suffit de lever les yeux au ciel, et toutes les muses se précipitent à sa rescousse. Tu sais pourquoi ? Parce qu'elle, elle demande rien. Elle ne quémande pas la gloire, c'est la gloire qui prie pour se consacrer à elle ! Elle ne cherche pas la consécration, elle ne vit que pour son piano. Elle ne tend qu'à une chose : vivre et faire vivre à travers elle sa musique. Elle semble si fragile, dans sa petite roble jaune citron, si menue... Mais si tu savais l'incroyable force qui est la sienne, tu... Non, oublie. La force, c'est un concept que tu connaitras jamais.
C'est vers elle que je m'envole. C'est sur elle que je ferai pleuvoir ma science, tout simplement parce qu'elle ne me le demande pas.

Allez, tchao l'artiste ! Je te souhaite de devenir quelqu'un, tout de même. Essaie déjà d'être un homme, ce pourrait être un bon début...
Ta muse, qui te salue bien bas.

Pour Paroles Plurielles

Comments

[Ségolène]

Enfin quelqu'un qui me comprend ;))
Tu vois, ç'est bien écrit, ça marche à fond la projection du lecteur :)

[rsylvie]

je t'ai déjà lu sur P.P. et j'ai trouvé cela trés bien tourné... l'idée de la muse qui se met en colère est une mise en mots trés originale de la consigne n° 44.
bonne journée à toi.