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Les Mots de Pati
29 février 2008

Le trésor du bord de Seine

peinture de cyrille jubert
notre_dame_bouquinistes_3MCe jour-là, j'avais décidé de m'adonner à un de mes passe-temps favori. Il faisait beau, l'air doux et parfumé du mois de mai accompagnait mon errance tranquille le long des bouquinistes du bord de Seine.
J'aime tout particulièrement ces échoppes d'un autre temps, de plus en plus rares et donc de plus en plus précieuses. Symboles du Paris que j'aime, elles m'ont fait découvrir bien des trésors, cachés derrière de vieilles couvertures écornées.

J'aime les vieux livres. J'aime leur odeur de papier poussiéreux si particulière, j'aime surtout le fait qu'ils soient passés de mains en main, et que leur voyage ne s'arrêtera pas de sitôt... Même l'usage du coupe-papier pour découper le haut des pages de certains de ces joyaux devient rituel, et m'envole hors de mon quotidien pour me faire entrer de plain pied dans un rêve écrit pour moi par un autre que je ne connais pas. C'est cette magie de la découverte que j'aime, seul le fait de lire me la procure.
Et ça commence toujours de la même façon : mon œil, au gré d'un survol hasardeux, sera mystérieusement attiré par LE livre que je dois lire. Idiotie ? Superstition ? Possible, je m'en fiche. J'ai toujours pensé qu'un livre est écrit pour tous mais qu'il peut n'être destiné qu'à une personne en particulier. Je pense même que cette destinée reste inconnue de l'auteur, comme un message d'une âme à une autre.
On rencontre parfois les gens qui nous font avancer, eh bien je pense que l'on rencontre de la même façon les livres qui deviendront les fondations de notre personnalité.

Aussi, quand mon œil fut attiré par ce petit livre qui ne payait pas de mine, tous mes sens furent en alerte.
Il était à moitié enseveli sous une pile de romans de gare, aux couvertures pleines de femmes aux visages apeurés, de revolvers fumants et d'hommes en imperméables mastic. On ne distinguait qu'une partie du titre, "Le livre du...", en lettres rouge sur fond taupe.
Je l'extirpai non sans mal de sa cache, réussissant l'exploit de ne rien renverser.
Voilà. Je tenais l'objet entre mes mains. "Le livre du Voyage", c'était le titre entier. Rien d'autre sur la couverture ne renseignait sur le sujet abordé. Je retournai le livre, pour lire la quatrième de couverture : rien. Je cherchai un nom d'auteur, une année de parution, le nom d'une maison d'édition, rien. Juste ce titre en haut à droite, en lettres de feu sur cette grisaille salie par le temps.
Je ne sais pas exactement à quel moment je sus que je devais avoir ce livre. Qu'il était pour moi. Peut-être quand mes mains refusèrent de s'en séparer.
J'ouvris le livre, fis tourner les pages, chopant au vol deux trois mots qui ne révelaient rien du contenu. Une centaine de pages, tout au plus. Ecrit serré, une avalanche de mots qui m'attirait comme un aimant, comme un amant à venir.
Je tendis mon trésor au bouquiniste, eus du mal à lâcher l'objet, le suivis des yeux durant tout le temps de l'achat.

Durant tout le trajet de retour, je tins mon trésor contre moi. Mes mains palpaient, caressaient, s'imprégnaient de la texture du livre. Je me surpris même à le renifler, pour laisser cette délicieuse odeur de vieux livre emplir mes neurones, comme on hume un bon plat avant d'y gouter.
J'attendis d'être chez moi, calée dans ma bergère, face au feu ronronnant d'aise au fond de l'âtre, pour entamer ma lecture, comme on croque pour la première fois dans un fondant au chocolat, le plaisir inondant le corps à mesure que le fondant coule au fond d'une gorge avide...

La première phrase que je lus me cueillit net, et me coupa du monde :

"Ce jour-là, j'avais décidé de m'adonner à un de mes passe-temps favori. Il faisait beau, l'air doux et parfumé du mois de mai accompagnait mon errance tranquille le long des bouquinistes du bord de Seine."

pour kaléidoplumes

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Commentaires
J
Genial! j'aime beaucoup, surtout l'idee du livre destine a une personne en particulier. Moi aussi, j'aime renifler les vieux livres...
P
Super! Il me semble que ce lieu est bien parti pour revivre sa vie !
F
Bravo m'dame pour ce clin d'oeil en forme de boucle, à ce demander si c'est toi qui à découvert ce livre ou lui qui t'a trouvé.
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