un bleu au manche
pour la 42 ème consigne de kaléidoplumes...
il fallait construire un dialogue entre deux personnages coincés dans des turbulences, à bord d'un avion.
je ne sais pas pourquoi, mais la consigne m'a semblé m'être destinée.
un rapport avec mon métier ? oh si peu... ;)
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— Aaaahhh ! C'est quoi, ce bruit ?!?!
— Mmmhh... Comment ? Excusez-moi, je dormais et je n'ai pas...
— QU'EST-CE QUE C'EST CE BRUIT, P'TAIN ?
— Quoi donc ?
— Mais ce bruit, là... j'aime pas, ce bruit...
— Oh... moui, je vois. Aaaalors : Tout d'abord ne vous inquiétez pas,
ce bruit, comme vous dites, est tout à fait normal ! C'est juste le
claquement des trappes de trains d'atterrissage qui se ferment. Je
dirais même que c'est mieux, de les entendre...
— Mieux ? Pourquoi, mieux ? Ça se ferme pas toujours ?
— Ah mon pauvre monsieur, non, pas toujours... Alors voyez un peu comme nous sommes chanceux, aujourd'hui, pas vrai ?
— Comment ça, chanceux ? Mais vous venez de me dire de pas m'inquié...
— ...ter, oui oui, je l'ai dit. Et je maintiens ! dis-je avec un grand et large sourire.
Mon
voisin suait à grosses gouttes, était livide et sentait fort. Encore un
transi d'effroi. Si quelqu'un pouvait me dire pourquoi ils se
retrouvaient toujours à mes côtés... A cet instant précis, mon verre de
Gin se retrouva à environ 15 cm du plateau sur lequel il reposait, pour
juste après se fracasser dessus en aspergeant mon tailleur tout neuf du
précieux liquide ! Et vive les turbulences....
Mon voisin, qui allait parler, était devenu vert marais...
— Et là ? C'était quoi ? demanda-t-il d'une toute petite voix.
— Là, ce n'est pas que ce n'est pas normal, c'est que c'est fort embêtant !
— Embêtant... ah...
Il
se liquéfiait de plus en plus, se tassait sur son siège. Je me demandai
jusqu'où un homme de sa taille était capable de s'enfoncer dans les
fauteuils de First Class...
— Allons allons ! Calmez-vous. Ce ne sont que quelques turbulences. Un orage, sans doute ; rien de méchant, allez !
— Vous êtes sûre ? On va pas tombeeeeeeeeeeeeeeeeer !!! Oh faites que ça cesse, je vous en prie, mon Dieu...
L'avion avait l'air d'avoir envie de jouer à saute-moutons, et nous étions maintenant fortement secoués sur nos sièges.
— Du calme, lui dis-je en lui prenant la main. Et puis laissez donc
Dieu tranquille. Et préoccupez-vous plutôt que le pilote ne soit pas un
bleu...
— ?!!?!! Un bleu, dites-vous ? Oh... Il fit un effort
visible pour se reprendre. Hum, vous avez l'air de vous y connaitre.
Vous bossez dans l'aviation ?
— Oh un peu, si peu... J'ai la chance d'être de la partie, oui.
— Aaah, mais je suis tombé sur la personne adéquate pour me rassurer, alors, dit-il avec un grand sourire.
Oui,
je sais, la critique est aisée. Personnellement, je n'ai jamais eu peur
en avion. Turbulences ou pas, j'adore ça. Et même si ça bringuebale
dans tous les sens, je frémis de joie. Et puis, allez, je peux
l'avouer, il n'est pas désagréable de tenir la santé mentale de ses
congénères au creux de sa main...
— C'est ça, ce qu'on appelle des trous d'air ?
— Tout à fait, cher monsieur ! Je vois que vous n'êtes pas néophyte non plus ?
Il
rosit de plaisir. Il allait se rengorger et faire le fier, mais la voix
du pilote retentit alors dans les hauts parleurs de la cabine
—
Mesdames, Messieurs, bienvenue à bord du vol 747. Nous traversons
actuellement un léger orage, qui provoque quelques légers trous d'air.
Nous devrions avoir dépasser la zone de turbulences d'ici 4 minutes.
Veuillez garder vos ceintures attachées jusqu'à l'extinction des
consignes lumineuses, merci. C'était le commandant Dupuis, qui vous
souhaite un bon voyage.
Je grimaçai au nom du commandant. Je tentai de faire bonne figure, mais mon voisin avait aperçu ma grimace du coin de l'œil.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
— Non, rien, je vous assure... rien de grave, enfin, à priori...
— A pri... Allez, soyez sympa, dites-moi ce qui vous tracasse, je ne supporterai pas de rester dans le doute !
— Eh bien, c'est juste que... Vous avez entendu comme moi, je suppose ?
C'est bien le commandant DUPUIS, qui est aux commandes ?
— Euh, oui, enfin, je crois que c'est ce nom là...
—Oh... mmmhhh mmmhhh Je pris un air de conspiratrice. Je serais vous, cher monsieur, je garderais ma ceinture jusqu'au bout...
— Oh ? Vous croyez ? Mon dieu, mon dieu mais pourquoi ? dit-il en chuchotant.
— Si c'est bien le Dupuis auquel je pense, il a failli nous planter à
Rio, le mois dernier. C'est pas que ce soit un mauvais pilote, non !
C'est juste qu'il a du mal, quand le vent se lève... On dirait qu'il
n'arrive pas à garder l'assiette. alors, éviter les turbulences, autant
vous dire que c'est le cadet de ses soucis.
Je me penchai un peu plus vers ce pauvre homme.
— Finalement, pour cette prière à Dieu... ce n'est pas une si mauvaise idée que ça....
— Oooooh mon Dieu....
— Priez, mon ami, priez ! Aussi fort que vous pouvez !
Mon voisin se plongea illico dans une interminable prière, avec un air des plus concentré.
Ça ne pouvait pas faire de mal, de toute façon, n'est-ce pas ? Une bonne prière, bien sincère, de temps en temps...
Et puis ça aura l'énorme avantage de l'occuper jusqu'à l'arrivée...
Dupuis,
ce cher homme, ne m'en voudra pas. Ce pilote exceptionnel m'a bien
souvent sauvé la mise. Et puis, il trouve très drôle de passer pour un
bleu sans expérience !
Oui je sais, c'est pas chrétien, tout ça...
Mais j'en ai marre que mes vols soient gâchés par ces sombres crétins,
qui mouillent leur chemise au moindre soubresaut de la carlingue !