Marathonnage intensif...
En vue de ce marathon d'écriture, que je tenais à faire consciencieusement, j'ai fait une assez longue pause internet. Besoin d'une coupure, dans mes mots, et dans ma présence en ligne. Besoin de prendre du temps pour moi, et pour mon roman.
Depuis que j'ai repris le travail, c'est plus compliqué, de trouver le temps de m'y mettre...
Ou plutôt, le temps, je le trouve toujours, mais ce n'est pas forcément au moment où j'ai le temps que j'ai envie d'écrire... c'est là la délicate subtilité de la chose.
Et finalement, je n'ai pas du tout écrit, durant cette pause. J'ai lu, par contre. Beaucoup. Et je me suis rendue compte que quand je lis, j'ai maintenant deux visions du texte, en superposition. Un œil dévore l'histoire, pendant que l'autre décortique la façon dont l'auteur a écrit le passage que je lis !
C'est très déstabilisant, et en même temps, ça enrichit ma lecture, va comprendre !
Mais je m'égare...
Cette année encore, le marathon fut riche en expériences, et en émotions. Et il fut double, aussi. Eh oui, j'ai rempilé hier soir. Histoire de partager cette expérience avec des plumes amies, mais aussi parce qu'écrire ainsi, ça a un petit côté dopant, et aliénant (mais dans le sens positif, hein, pour une fois!). Quand on goûte à cette sensation d'envol de l'écriture, on a envie que ça continue, encore et encore...
voici un petit aperçu de ce que j'ai écrit hier...
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Créer,
c'est important. Ce fut même vital. Pour moi. Ça a été ma planche de
salut. Ce qui m'a permis de tenir, pendant mon analyse, et après. Mais
bon sang, que ce fut difficile et angoissant !
Créer n'importe
quoi, mais agir. Sur la matière, les mots, les idées ou quoique ce soit
d'autre. Agir et ne plus subir. Agir en conscience. Être acteur et non
plus spectateur de ma vie. Oser.
L'argile a tenu le rôle de catalyseur de ce que je devais « aplanir »... et c'est même pas une métaphore...
Ma
colère, issue de tout ce que j'avais refoulé, avant, pendant et après
mes galères opiacées, me bouffait encore trop régulièrement le peu
d'énergie qui me restait, au sortir de mes séances chez le psy. Et
pourtant, je n'en avais vraiment pas à perdre...
J'avais vu
travailler le potier du village, quand j'étais gamine. Complètement
fascinée par ces formes qui naissaient comme par magie sous ses doigts,
j'avais été saisie par la texture de l'argile. C'est donc vers elle que
je me suis tournée, pour m'y ressourcer.
Et puis, la poterie, c'est
pas un art de fainéant ! L'en faut, de l'ardeur, pour travailler les
pains de terre. Juste ce qu'il me fallait ! Je pouvais taper l'argile
sur le plan de travail jusqu'à ne plus sentir mes bras, mes paumes.
Parfois, j'exultais tellement que j'en criais à pleins poumons !
Presque un orgasme. Une libération jubilatoire. J'avais tellement
besoin de me vider de tout ce qui m'empêchait de respirer que je
préparais l'argile pour tous les participants de l'atelier ! Ça, je
pouvais faire.
Parce qu'après... c'était une autre affaire.
Une
fois prête, l'argile semblait m'attendre au tournant. « vas-y, ose un
peu me façonner, pour voir si tu y arrives... » et je n'y arrivais pas.
Mes mains étaient... mortes. Tétanisées. Anxieuses. Tremblantes,
collantes de sueur. Je regardais cette boule ocre et ne savais pas
l'approcher.
J'avais peur de créer. Je n'avais aucune idée de ce que
je pouvais bien faire de ça. L'animatrice, pensant m'aider, me
suggérait « Un vase ? Un pichet ? Un cendrier ? »
Putain, bouge! Active-toi ! « on » va voir que tu flippes. Bouge !
Alors
je me lançais, je me jetais à l'eau, et là non plus c'est loin d'être
une métaphore... j'étais en nage, en panique totale. J'entamais une
forme, comme on me l'avait appris, enroulait colombin sur colombin, et
je détruisais. Tout. De façon systématique. Et je partais. M'enfuyais
plutôt.
Il m'a fallu du temps, beaucoup de temps, et de boules
d'argile qui séchèrent sur place, pour que je comprenne que c'était
bien beau, de se vider de sa rage... mais que ce serait mieux, si
j'apprenais par quoi la remplacer.
Et finalement, ce n'est pas ma psy, qui m'a aidé pour cette étape. Mais l'animatrice de mon atelier de poterie.
Elle
m'a appris à tourner l'argile. Et ce fut une idée de génie. Parce qu'au
tour, faut carrément oublier l'idée de force ou de violence. Il faut
« sentir » comment l'argile s'élève sous la pression des doigts, une
pression qui est nécessairement régulière et lente, sinon, tout part en
vrille.
Comme dans la vie...
J'ai donc appris à prendre mon
temps. À ne plus oublier que j'avais dorénavant le temps. Le temps de
vivre. D'explorer cet avenir que j'avais réussi à m'offrir, tout compte
fait.
Et le miracle eut lieu. J'ai laissé mes mains être guidées par
la terre, la laissant m'apprendre les bons gestes, les bonnes
attitudes. J'ai pris confiance. Petit à petit, ma rage a disparu,
laissant la place à la création. J'étais capable de faire quelque chose
de mes mains. Et c'était quelque chose de bien.
Ça peut paraître
con, de s'ébaubir devant un minable bol en grès même pas régulier, même
pas d'épaisseur uniforme. Mais qu'est-ce que j'étais fière, de cette
toute première pièce façonnée par Moi.