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Les Mots de Pati
18 mai 2009

La mort... dernier tabou

autre morceau choisi de mon marathon...

**********

« La mort fait tellement peur qu'on préfère ne pas la regarder en face, et s'imaginer qu'il y aura une session de rattrapage quelque part dans la stratosphère. »

À lire cette phrase de cassy, je me suis demandée si j'avais jamais eu peur de la mort. Impossible de me souvenir. J'en conclue que non.
C'est peut-être dû à ce que j'ai traversé, peut-être à ce que j'ai entendu des souffrances de certains de mes proches... ou à ce que je crois, au plus profond de moi.
Quelle importance, au fond.

Je n'ai pas peur de mourir, non. La mort, je l'ai regardée dans les yeux, par deux fois. Je ne l'ai ni apprivoisée, ni combattue. Elle s'est esquivée, voilà tout. Elle m'a regardé, et a passé son chemin, me laissant par deux fois pantelante au bord du sentier.
Je l'ai vue venir chercher mes proches, un à un. Parfois en conscience, parfois brutalement. Elle a fait des cratères sans fond dans mon cœur. Les morts laissent un vide qui ne se comble pas. J'ai le cœur plein de cratères lunaires. Mais je vis.

Pour moi, la mort fait partie intrinsèque de la vie. Elle est sa fin nécessaire. Et une étape.
Quand j'ai accompagné ma mère sur sa fin de vie, j'ai compris que ce n'était pas un sujet qu'on peut aborder avec n'importe qui. C'est vrai que la mort est tabou. Que l'agonie est une chose qu'on n'aborde pas à table, à la fin du repas, entre poire et fromage. Même si le besoin d'en parler est pressant. J'allais écrire vital...
Moi, je trouve normal d'en parler. Je trouve ça tellement normal que j'en ai fait une de mes occupations, puisque je suis de temps en temps bénévole, dans un centre de fin de vie. Une occupation riche en expériences humaines, vous vous en doutez.
Et si j'avais dû avoir des doutes quant à l'importance d'aborder le sujet de la mort, ce bénévolat les aurait fait s'envoler pour de bon. Car s'il existe une constante chez tous les patients que j'ai pu accompagner, c'est bien leur grande, leur profonde solitude face à leur mort. Il leur est souvent impossible d'en parler avec leurs proches, sous peine de voir s'effondrer la carapace fragile qui les tient debout. Quand leurs angoisses ne sont pas tout bonnement niées par un optimisme de façade.

Oui la mort fait peur. Qu'on ait peur de l'absence, ou bien de voir l'autre souffrir, le résultat est toujours le même pour le patient : il se retrouve seul avec ses besoins de communication.
Pourtant, la mort est une expérience qu'on est seul à vivre. Et qu'on doit vivre seul. Mais avant d'en arriver là, on est encore en vie. Et on a le besoin de parler de cette ultime étape, qui va tout chambouler.

La seconde fois que j'ai vu la mort de près, c'était l'an dernier. J'avais chopé une pleurésie et j'ai bien cru que j'allais cette fois y passer.
Il s'est alors produit une drôle de chose.
Alors que j'en étais à plusieurs jours sans sommeil, percluse de douleur, j'ai d'un coup passé un cap. Je me suis rendue compte que je n'avais rien qui me retenais ici. Et que j'avais envie de laisser aller les choses là où elles semblaient vouloir aller... Oui, je sais, je ne devrais pas dire ça, c'est faux, j'ai plein de choses qui me retiennent. Mais sur l'instant, ces choses ne m'ont pas sembler faire le poids. Je me sentais partir, et je n'ai pas lutté. J'étais très tentée par un lâcher-prise total.
Est-ce l'extrême fatigue ? La douleur ? Ou bien justement cette absence de peur face à la mort ? Je ne sais pas. Toujours est-il que quelques jours plus tard, du fond de mon lit d'hôpital, j'en étais encore à m'interroger sur la pertinence de ma survie.
Ce sentiment étrange (chez moi, du moins), j'ai eu beaucoup de mal à m'en défaire. Encore aujourd'hui, parfois, je me demande ce qui m'a fait tenir. Et je suis surprise d'avoir survécu. Notez que je parle de surprise, et non de chance... Eh bien, de ça, je ne peux en parler qu'avec les autres bénévoles. Parce que mes proches ne peuvent pas entendre ces interrogations-là. Du moins, sans souffrir du fait que leur présence, leur amour ne suffisait pas à me retenir ici...

Ce sont mes amis bénévoles qui ont recueilli mes doutes, mes questionnements. Et qui m'ont aidé à y voir plus clair. Ils savent l'importance de confier ces sentiments-là, et la mort n'est pas tabou, pour eux. Il en est même qui m'ont dit me comprendre... On apprend tellement, au contact de ces hommes et de ces femmes, qui voient la vie les quitter. J'apprends à leur contact, et j'espère pouvoir leur apporter le centième de ce qu'ils m'offrent. Auprès d'eux, je deviens oreille, réceptacle, je deviens une présence. Parfois, j'aide à comprendre ce qui les angoisse, avec l'aide de l'équipe soignante. La principale de nos occupations est de faire fuir leurs douleurs. La plupart du temps, cela suffit à leur redonner l'envie de jouir des jours qui leur restent. À se faire plaisir. Et on voit alors s'éloigner leur envie de raccourcir leur fin de vie.
Simplement parce qu'on a entendu leur souffrance, et qu'on y a répondu.

 

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Commentaires
P
vi, suis assez d'accord avec toi... mais est-ce vraiment une surprise ;)))
S
Je trouve que c'est la vie qui fait peur. La mort..n'est qu'un état parmi d'autres.<br /> <br /> Même aujourd'hui où j'aurai beaucoup à perdre ma mort m'indiffère. celle de ceux qui me sont chers par contre..
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