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Les Mots de Pati
7 août 2009

Saga de l'été

C'est l'été sur Kaléïdoplumes. C'est l'heure de la saga estivale. Un feuilleton en 5 épisodes. 4 personnages à présenter, et une fin qui les réunit tous...
Voici les deux premiers personnages de mon feuilleton saga de l'été :

Michèle, dite Nenette.

— Ah... Le cirque va commencer, se dit-elle en repliant la lettre qu'elle venait de lire.

Tous les ans, c'est la même chose. Car tous les ans, à la même époque, elle se rend à la maison de la Dune. C'est la résidence d'été de la famille Capelle. Et tous les ans, à la même époque, elle ouvre grand persiennes et volets, fenêtres et portes, le temps que l'odeur de l'hiver s'envole et que la poussière, amassée sur le porche en petits tas impatients, aille danser la gigue avec les grains de sable de la Dune, qui s'enfonce inexorablement plus loin chaque année dans la lande...

Elle, c'est Michèle. La gardienne. Dite Nenette.
Celle qui veille au grain l'hiver et sert de bonniche l'été. Aussi grise que muette, elle se fond dans le décor, fait partie des meubles, comme on dit. Jamais un mot plus haut que l'autre. Jamais un mot tout court, d'ailleurs.
"Le silence a ça de bon qu'il enterre les questions qui dérangent" disait sa mère, Dieu la garde. Michèle aurait pu ajouter qu'il enterre aussi celui à qui on les pose... c'est qu'on prend l'habitude d'être invisible. D'être transparent.

À 54 ans, Michèle a encore belle allure. Brune de peau, sa chevelure est toujours aussi vierge de cheveux blancs, et les rides qui irradient au coin de ses yeux rendent plus pétillant que jamais son regard. Enfin... pour peu qu'on le croise, évidemment.

Elle vit seule dans le cabanon qui jouxte la maison principale de la propriété de la Dune. C'est tout petit, mais ça lui suffit. Veuve depuis bientôt 12 ans, sa vie n'est pas très encombrante. Quelques meubles disparates à l'intérieur, plus un fauteuil à bascule qui fait ce qu'on attend de lui : il bascule en rythme avec le bruit des vagues, sur le porche du cabanon. Et puis ce qu'il y a derrière la porte, évidemment. Son jardin secret.
Qui risque fort de ne plus l'être longtemps, si la gosse continue à fourrer son petit nez partout...

Elle serait bien partie, à la fin de l'été dernier. "Ils" avaient été particulièrement imbuvables, cet été-là. Elle avait bien failli. Elle avait fait ses paquets, réuni toutes ses affaires, prévenu le vieux Paul, pour qu'il l'aide à transporter tout son barda ailleurs... et puis, au dernier moment, son regard était tombé sur la photo un peu floue de la gosse. Et elle avait tout décommandé, tout rangé. Elle était parfaitement incapable de se passer de la gosse. D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle deviendrait, cette môme, hein, toute seule au milieu d'une famille comme celle-là ? Ah ! Vous voyez bien qu'elle ne pouvait pas la laisser comme ça...

C'est en pensant à ses yeux rieurs qu'elle termina ce jour de ménage en allant ramasser quelques plantes sauvages sur la Dune, pour la chambre de léa.

Elle aime bien ça, les fleurs sauvages, Léa...

Léa.

Léa fait semblant de dormir.
Léa n'aime pas les voyages en voiture. Enfin, les voyages en voiture en famille. Plus précisément avec SA famille. Il faut dire que Léa n'aime pas franchement sa famille.
Qui le lui rend bien, notez...

Assise à l'arrière, coincée entre un cornichon et une huître (Marc, son frère aîné et Aurore, sa grande sœur) avec une vue imprenable sur ses parents (Pierre, banquier et boursicoteur véreux de son état, et Mylène, grande professionnelle des divans de psys et grande avaleuse d'anti-dépresseurs devant l'Éternel) Léa se demande encore quelle malédiction s'est abattue sur elle pour qu'elle naisse parmi Eux.

Léa est frêle et grande. De longues boucles brunes viennent masquer fort à propos son regard perçant et lucide, qu'elle pose depuis douze longues années sur le monde qui l'entoure. Léa a une intelligence hautement supérieure à la moyenne, et à des années-lumière de celle des membres de sa famille. Et Léa a compris il y a très longtemps que quand on est dans sa situation, sa tranquillité est totalement proportionnelle à sa capacité à masquer ce fait. Ce qui fait que depuis douze ans, Léa parle le moins possible et s'emmerde à mourir.

Sauf quand elle se trouve à la maison de la Dune. Parce que Nenette y vit. Et qu'elle adore Nenette. Bien sûr, on pourrait penser que ce qui rapproche ces deux-là est justement ce mutisme viscéral qui les caractérise.
Mais Léa n'est pas dupe.
Si Nenette a pu tromper tout son petit monde, Léa sait. Nenette est loin d'être aussi rustre et ordinaire qu'elle aimerait le faire croire. Léa sait qu'elle est bien plus intelligente et beaucoup moins passe-muraille que ça.
La clef doit être derrière la porte. Celle du jardin secret comme dit Nenette.

Et cette année, Léa saura. Coûte que coûte, elle va enfin savoir ce qui se cache là.

Et ce n'est pas Louis qui l'en empêchera.

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