Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Mots de Pati
5 novembre 2009

Amitié, hisoire d'une mutation

Il y a quelques temps, j'ai vu une émission très intéressante,. Elle laissait la parole aux "cinquantenaires". Une sorte de bilan de leurs expériences de vie, de là où ils en étaient...
C'était très sympa, comme reportage. Et puis c'est devenu passionnant.
Une femme disait son étonnement devant un fait qu'elle avait remarqué, autour d'elle. Elle nous racontait comme l'amitié avait changé de statut, entre la vie de ses parents et la sienne. Et quand elle a dit cela, j'ai eu comme un impact au fond de mon crâne de fausse blonde...

Parce que si j'essaie de me remémorer les amis de mes parents, venant manger chez eux, par exemple, ben y en a pas eu tant que ça. J'en connais, certes. Je me souviens par exemple d'au moins deux couples, des amis très proches de mes parents. Eh bien, ils sont venus à la maison, oui, mais quand on y songe, pas si souvent que ça. Les gens qui mangeaient à la maison, ceux pour qui le cercle intime était ouvert, c'était la famille. Essentiellement les membres de la famille de ma mère, plus précisément.
Alors que si j'en juge par les gens qui gravitent autour de ma table... c'est tout l'inverse ! Pour ma famille, je peux compter sur les doigts de mes deux mains leur venue à la maison sur une année, alors que je suis bien incapable de dire combien de mes amis sont venus manger... ils sont trop nombreux.

Intriguée par ce constat, j'ai posé la question autour de moi... à des collègues, à des amis, et à certains membres de ma famille, tous de mon âge, ou presque. Et à leur grand étonnement, c'est la même chose pour eux. Ils ont en général assez de mal à se souvenir de repas entre amis chez leurs parents, alors que les repas de famille étaient légion. et eux, c'est l'inverse. La grande majorité des gens qui viennent chez eux sont des amis.

L'amitié a donc, du moins pour ma génération, subi une sorte de mutation, elle a pris du galon, et ce au détriment de la famille.
Bien sûr, j'y vois quelques explications. Les divorces qui se sont multipliés, les familles recomposées et leur lot de difficultés... le manque de dialogue, l'éloignement géographique, qui induit un éloignement plus relationnel... les fameuses "histoires de famille"...tout ça complique évidemment les relations.

Mais je me demande si ce n'est pas plus subtil...
Peut-être qu'à l'époque de nos parents, se faire des amis n'était pas si simple. Si je me base sur mes parents, leurs amis étaient quasiment tous issus du monde du travail. C'était des collègues ou de mon père, ou de ma mère. Et je me demande s'il était simple de rencontrer des gens ailleurs que sur le lieu du travail. Les vacances, pour nous, du moins, se passaient en location, en famille, pas top pour rencontrer des gens. Et si l'on remonte aux parents de mes parents, bouger de sa région était fort difficile, et donc très rare (évidemment, j'exclue le long "voyage" de mon papé, lors de la guerre...).
Et puis, la famille était omniprésente. Un roc sur lequel s'appuyer et parfois une croix à trainer, mais elle était toujours là. Peut-être plus par tradition que par choix, d'ailleurs...
À croire que les amis, même proches, n'obtenaient pas aussi facilement que ça le "droit" de rompre le cercle intime de la cellule familiale parents-enfants ? Je ne sais pas...

Aujourd'hui, il semblerait que ce soit presque l'inverse. Sous couvert de l'adage bien connu "On choisit pas sa famille", il semblerait que nous avons, à un moment donné, opté pour un autre choix, le choix du coeur, et l'on se fabrique une nouvelle famille, faite d'un nombre plus ou moins grand d'amis. Et ces derniers n'ont pas à obtenir de sésame pour entrer dans notre cercle familial intime, ils en font presque partie d'office, du moins dès qu'ils passent du stade de copains à celui d'amis...
Car nous avons codifié l'amitié. Elle possède désormais différents "niveaux". On a les collègues, les copains, et les amis-les-vrais. Moins nombreux que les copains, on sait pouvoir compter sur eux, au moindre signe de tempête. Et cette amitié se scelle par de nombreuses rencontres. Dans le foyer familial. Dans le cercle intime.

Il est vrai que si pour nos parents, rencontrer des gens était compliqué... on peut dire que pour nous, c'est tout de même plus simple. Pourquoi ? Je ne sais pas trop... Un reste de Mai 68 ? L'évolution des mœurs  aurait aussi changé la donne dans nos rencontres ? Le rejet des traditions, en masse, aurait donc scellé le devenir de nos liens familiaux, devenus bien plus fragiles finalement, que nos liens amicaux ?
À voir...

Et que dire de ce que le Net a apporté, à ce sujet ! Aujourd'hui, il suffit de converser via un mail, un blog lu, un forum... pour croiser des plumes qui nous parlent, qui remuent en nous des choses qui nous donnent envie de rencontrer, de vérifier de visu si ce qu'on a perçu à la lecture est également présent face à face. Et je peux témoigner que par le biais du Net, on peut faire de très belles rencontres, qui donnent naissance à une amitié vraie et sincère. Et durable.

Si je me fie à mon vécu en ce domaine, je peux dire qu'aujourd'hui, mes amis partagent bien plus ma vie que ma famille. C'est un constat qui me chagrine, quelque part... Parce que j'ai eu la chance d'avoir une famille aimante et fidèle, une famille au grand coeur. Et la disparition de quelques pierres de taille a eu raison du ciment qui nous liait. Je sais que nous nous aimons, tous. Mais on ne se voit quasiment pas. Même, on s'écrit bien peu... on se voit au détour d'un mariage, ou plus tristement, d'un enterrement de quelque vieux... On se promet de s'appeler, et la vie nous tire loin de nos promesses.
Mais mess amis, eux, sont toujours présents dans ma vie. Je peux passer un moment sans les joindre, il n'existe pas ce vide difficile à combler, pour les recontacter. Le fil reprend là où il s"était stoppé, sans heurt... Ils sont finalement ce que je nomme ma famille de coeur, et si je l'ai choisie, c'est qu'elle m'apporte ce dont j'ai besoin.
Je me souviens comme ma mère appréciait quand mes amis venaient manger dans sa maison. Que je partage ces instants avec elle la comblait de joie. Et je me demande si elle ne m'enviait pas ce vivier d'êtres chers, sur qui je savais pouvoir compter...

L'amitié a muté. Elle a remplacé les liens familiaux si difficiles à entretenir. Elle remplit nos coeurs de chaleur, de rires, de joie, de partage. Elle a pris la place que la famille a longtemps tenu.
Je me demande s'il en sera de même pour nos enfants.
Ou si un jour, à travers leurs propres choix de vie, la famille reprendra une place de choix dans leurs vies...

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Longue réflexion sur mon blog et sur Kaléïdo ;o)
P
Même souvenir des amis parentaux, reçus rarement avec tout un cérémonial de « petits plats dans les grands », où les discussions restaient "sérieuses". Ils étaient anciens camarades d'études, collègues, puis finalement autres parents rencontrés dans diverses activités péri-scolaires ou associatives. J'ai pu constater chez mes parents la même évolution que celle que tu décris : une mutation des amitiés, devenant plus simples avec le temps et, proportionnellement, une part réduite consacrée à la famille. J'aurais donc tendance à penser que c'est un changement de société, même s'il est plus marqué dans la génération suivante.<br /> <br /> En tout cas merci pour cette intéressante réflexion que tu nous proposes :o)
T
Un écrit que j’ai lu plusieurs fois avec la plus grande attention. Et je me retrouve assez bien dans ce contexte malgré que j’arrive déjà au bout de la cinquantaine.<br /> <br /> Tu as écrit : « Peut-être qu'à l'époque de nos parents, se faire des amis n'était pas si simple. »<br /> Je confirme en ce qui me concerne, je trouve plus facile de se faire des amis qu’avant. J’ai pensé d’abord que c’est en prenant de l’âge, que nous devenons plus ouverts, mais maintenant je démens cette hypothèse. Je vois mes enfants qui ont un cercle d’amis très sincères, et ils trouvent toujours quelqu’un sur qui ils peuvent compter en cas de coup dur. <br /> <br /> Tu as écrit : « Et puis, la famille était omniprésente... Peut-être plus par tradition que par choix... »<br /> Je m’avancerais en osant dire « SURTOUT par tradition que par choix ». Je me base sur les nombreux contacts liés à mon métier social. J’ai même entendu plusieurs fois des personnes âgées me dire qu’ils ont respecté cette tradition familiale et m’avoue pour finir, avec regret et une certaine résignation, que ce ne fut pas leur choix. Tout en restant professionnel, leurs mots m’interpellent.<br /> <br /> Tu as écrit : « Et je peux témoigner que par le biais du Net, on peut faire de très belles rencontres, qui donnent naissance à une amitié vraie et sincère. Et durable. »<br /> Je le pense aussi, j’ai fait plusieurs fois l’expérience en général positive. C’est que par le net, on écrit, on ressent ce que l’autre écrit et surtout on peut choisir sur ce que l’on sait. Il me semble aussi, qu’il est difficile de tricher sur ses sentiments derrière un écran. Toutefois un bémol : quand je dis ça, on me répond souvent que c’est parce que je suis un homme et que c’est plus difficile pour une femme qui risque de se faire « avoir ». Ce qui ne semble pas le cas chez toi Pati, mais il serait intéressant de lire d’autres avis féminins sur ce point. Une chose est certaine pour moi : il ne faut pas non plus se retrancher que sur le net, c’est parallèle aux autres moyens de communication, comme les amis rencontrés en vrai ou au travail. Mais là aussi, il ne faut pas se cacher qu’au travail, au bistrot, dans ses hobbys, etc. Ce qui implique qu’il ne faut pas non plus se réfugier que dans la famille. L’idéal est de POUVOIR être le plus possible partout.<br /> <br /> Tu as écrit : « Mais mes amis, eux, sont toujours présents dans ma vie. Je peux passer un moment sans les joindre, il n'existe pas ce vide difficile à combler, pour les recontacter. Le fil reprend là où il s’était stoppé, sans heurt... Ils sont finalement ce que je nomme ma famille de coeur, et si je l'ai choisie, c'est qu'elle m'apporte ce dont j'ai besoin. »<br /> Très belle citation, je me reconnais et me sens très à l’aise dedans.<br /> <br /> Tu as écrit : « Je me demande s'il en sera de même pour nos enfants. »<br /> Ou si un jour, à travers leurs propres choix de vie, la famille reprendra une place de choix dans leurs vies... »<br /> Il n’y pas longtemps, je suis tombé sur une émission à la radio, qui se posait la question, comment la relation dans la famille et dans l’amitié pourraient devenir dans les prochaines décennies. Ce que je me rappelle d’avoir entendu est que le mouvement actuel devrait évoluer dans le même sens, c'est-à-dire la famille restant une base, mais que les amitiés profondes se développeraient. Entendu même que les relations intimes ne seraient plus nécessairement que du domaine d’un couple, mais aussi dans son cercle d’amis, sans pour autant nuire à la liaison familiale. Mais difficile tout de même, à mon avis, de prévoir de quoi il sera fait demain.<br /> <br /> En conclusion, j’ai envie de dire que je choisis intuitivement mes amis, n’importe où, n’importe quand, mais que je suis guidé par cette intuition si je me sens écouter par l’autre, et si je peux moi-même l’écouter. Et l’écoute dans la famille ou dans nos relations d’amitié n'est pas nécessairement la même.<br /> <br /> Encore une post conclusion : Pati, je te suis si reconnaissant d’avoir écrit ce texte enthousiasmant pour moi, un texte qui m’a permis de m’exprimer sur ce sujet. Encore MERCI Pati et AMITIÉ :-)
Publicité
Publicité