Danse, petite...
— Danse, petite, danse.
Écoute les grains éclater sous ta foulée heureuse. Sens comme la vie s’écoule, vois comme elle colore ta peau, comme elle s’infiltre et emplit la barrique.
C’est le sang de la Terre, celui qui abreuve et nourrit autant l’âme que le corps. C’est l’odeur de l’automne, qui arrive bientôt. C’est la course du temps, que le travail de l’homme exalte.
Ce sont les saisons et leur danse profonde.
Tourne, fille, virevolte au son de la vie renouvelée. C’est l’histoire du pays, qui chante sous tes pieds. Mille ans d’Histoire l’ont nourri.
Regarde tout autour de toi. Les ceps vrillés en une frise compliquée, les grappes de velours noir qui embaument la vallée et volent de la vigne aux baquets, sous les doigts experts de nos frères de labeur.
Vois comme le soleil abreuve les fruits de notre terre de sable. Entend l’air des Pyrénées, regarde-le caresser les dos courbés.
Écoute chanter le tannat sous tes pieds, fille. Chaque pied se nourrit de la splendeur de ton pays. Chaque cep témoigne de la force de tes racines. C’est la promesse d’un partage, d’un bonheur simple et chaud. C’est le fumet d’un confit qui mijote à la braise, l’odeur lourde du chabrot qui réchauffe les cœurs, c’est l’amour de nos femmes qui nourrit notre vie. C’est la lumière cuivrée d’un goût incomparable, or puissant qui réchauffe la gorge et fait chanter les hommes.
Tiens, fille, trempe tes lèvres, juste un peu. Tu sens ces arômes de framboise ? De cannelle et de tabac ? Tu vois cette robe rubis, qui étincelle au soleil ? Laisse les tanins envelouter ta langue, respire la senteur de ces montagnes fières, et n’oublie pas la valeur des hommes qui l’ont fait vivre.
Mes mains ont accompagné sa croissance, mon cœur a saigné sous les assauts d’une nature sauvage, j’ai veillé à sa lente évolution, jusqu’à le voir se gorger d’une vie qui ne cesse de me surprendre.
Quand le moût aura coulé en abondance, il sera temps de le ranger à l’abri des regards. Le chêne remplacera le vent, le temps viendra affiner sa rondeur. Et nous célèbrerons sa couvée en dégustant le vin de l’an passé. Découverte subtile, attendue, espérée, nous partagerons des moments de gaité. Nous chanterons la vie, nous danserons sous les étoiles et quand nos corps fourbus seront cassés de fatigue, nous enlacerons la nuit et irons rêver demain.
— Raconte encore le vin, papé…
Pour Kaléïdoplumes
/https%3A%2F%2Fstorage.canalblog.com%2F72%2F10%2F107837%2F75331253.gif)
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)