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Les Mots de Pati
24 août 2010

ô temps, suspend ton vol...

cadran_numJe n'aime pas les montres digitales.

Je n'aime pas leur précision chirurgicale, à la seconde près.
Elles dissèquent le temps qui passe avec une minutie qui m'énerve.

Et  je ne les aime pas parce qu'elles se ressemblent toutes. Elles sont moches, avouez...

Et puis franchement, quel besoin a-t-on de connaître aussi précisément que ça l'heure qu'il est ? Cela va-t-il changer la face du monde, de savoir qu'il est 18h 31 m et 42 secondes, et non six heures et demie ? Pourquoi ce besoin soudain d'exactitude ?

Je sais bien qu'on vit dans un monde de dingues, un monde qui fait la part belle à la rentabilité, qui stresse à tour de bras. Un monde qui nous pousse à courir, tout le temps. Un monde dans lequel le vague, le flou n'a plus sa place.

Il faut être impeccable, net, propre sur soi, beau, jeune, sans rides, sans défaut visible, sans rien qui tranche. Il faut être performant. Au boulot, en amour, dans nos relations sociales et amicales, dans nos loisirs, même !

Alors, je sais bien que l'exactitude est la politesse des rois...
Ben moi, je ne suis pas reine. Et je n'ai pas envie d'être à ce point lisse, au-dessus de tout soupçon... moi j'ai envie de prendre mon temps.

montre_papaAlors, je ne porte plus de montre digitale. J'ai choisi de porter la vieille montre de mon père, qui la tenait de son propre père. Une bonne vieille montre à remontoir mécanique, sans pile, une qu'on doit remonter tous les jours, sous peine de la voir s'endormir. De plus, comble de joie, je porte une montre qui a un vécu. Elle doit en avoir, des histoires à raconter, cette montre.

C'est une montre qui prend son temps. Elle prend en moyenne 4 ou 5 minutes de retard par jour. Eh oui ! Et je m'en fous royalement. Je ne suis pas à 5 minutes près, voyez-vous...

Je suis cabossée, un peu comme elle. Elle aussi porte les marques du temps, comme cet éclat, sur son verre, là, en bas... moi aussi, je porte mes cicatrices là, en bas. Et j'aime bien cette connivence de blessure, entre elle et moi.

J'aime sa façon de scander les heures à son rythme, calmement. Je suis plus calme, depuis que je la porte. Nous avons finalement le même tempo, elle et moi. Quand je me couche, quand la nuit m'enveloppe de son calme et son obscurité, je l'entends tictaquer lentement, discrètement, elle me dit "Je suis là, je veille. Je regarde le temps s'écouler, tu peux te reposer"

C'est une vieille dame, cette montre-là. J'ai toujours aimé papoter avec les anciens. Et j'aime l'histoire que ces aiguilles me racontent. L'histoire d'un temps où l'on marchait, pour aller d'un endroit à un autre. Où l'on traversait à pied des champs, et des forêts odorantes. Où l'on avait le temps de s'arrêter au bord du chemin, pour s'abreuver à un beau paysage qui ne défilait pas à 140 km/heure au travers d'un carreau sale...

Elle a scandé les secondes importantes de mes grands-parents paternels, elle était là quand ils se sont dit oui, aux alentours de midi, il y a... quelle importance, la date exacte... elle était là.

Elle était là aussi, quand ma mère a soufflé la flamme de son dernier matin. Elle a rythmé la peine de mon père, mais a accompagné son retour à la vie aussi.

Elle était là, quand j'ai réalisé il y a quelques semaines un rêve que je croyais inatteignable et que je n'attendais plus, n'en ayant plus besoin...

Elle sera là quand mes fils fonderont à leur tour leur famille.

Elle prendra peut-être 10 minutes de retard par jour mais après tout, quelle importance, quand on rythme le cours d'une vie ?

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Commentaires
S
ben ca tombe pile (ou face), je viens d'aller faire verifier et expertiser ma montre de communiante pour pouvoir l'offrir a ma fille pour ses 21 ans...<br /> le debut de notre histoire qui j'espere ira loin dans le temps<br /> <br /> une non digitale, remontable et minuscule que je ne sais pas ou trouver un bracelet a sa mesure...<br /> <br /> en tout cas pour ton texte, ca fait du bien de te lire et comme d'hab un super texte
S
j'aime bien les cadrans solaires ... ou les sabliers !!!
G
-- Très bel article, j'aime lire ce genre de texte qui part d'une idée toute simple mais qui sait la raconter en l'agrémentant des sentiments de son auteur. <br /> <br /> -- La façon dont tu parles du temps est également intéressante, j'aimerais pouvoir être si relax avec les minutes qui s'égrènent mais je n'y arrive pas. Ce qui m'empêche d'être si "zen", c'est l'impression constante que le temps m'est compté, que ma vie s'écoule et que la mort m'attend au bout du chemin. Rien de plus angoissant, me direz-vous, et pourtant rien de plus motivant aussi. Cette sensibilité accrue au défilement du temps m'astreint à me remettre constamment en question afin, à chaque minute qui passe, de me sentir encore vivant. <br /> <br /> -- J'ai donc opté pour une autre solution que la tienne : une montre à aiguilles mécanique qu'il faut remonter chaque jour, précise, qui ne demande aucune pile et qui ne risque pas de me lâcher, me laissant à ma triste angoisse.
C
Je ne porte pas de montre, sans doute pour les mêmes raisons que tu n'aimes pas les montres digitales. Je n'ai pas envie de savoir quelle heure il est à la seconde près, partout où je vais. Je n'ai pas envie de porter le temps à mon poignet. Rien ne peut le retenir, c'est donc pour moi un objet inutile.<br /> Et puis tout nous rappelle quel heure il est: le telephone portable, l'ordinateur, le réveil, les pendules des gares, des églises, des places publiques, les sonneries d'école, de sorties d'usine.<br /> Mais toi, tu n'as pas de montre, tu as le témoin de ton histoire familiale à ton poignet.Rien à voir avec une montre ;o)
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