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Les Mots de Pati
8 janvier 2011

Voyage au bout de l'envie

Voici un texte écrit à quatre mains, suite un un petit séjour chez mon double...

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Jeudi 6 janvier 2011 : fête des rois… pour moi ce sera : faites des reines.
Chères Pyrénées, berceau de mon inspiration depuis juillet 2007, année de mon enracinement tout près de votre Piémont, aujourd’hui est une date particulière.
Chères Pyrénées, faites de nous des reines…

Ce jour vers midi, j’ai embarqué pour une aventure extraordinaire, une de celle que je connais par cœur, mais que je renouvelle sans cesse.
Par nos plumes, nous avons fait vivre votre montagne, nous avons choisi avec soin le berceau de notre histoire, une de celles que l’on porte en nous depuis toujours sans le savoir, et qui jaillit juste au bon moment. Une histoire que l’on ne peut écrire qu’à deux, pour associer le yin et le yang, pour retrouver l’endroit de l’envers, pour retourner le pile sur la face. Pour relier Pati à Domie.
Chères Pyrénées, faites que nous soyons reines, d’un jour, d’une minute, d’une éternité.
Chaque mot choisi, chaque mot choyé, chaque mot posé sur une page blanche, devient aujourd’hui plus qu’un décor, un instant privilégié pour toujours gravé dans nos mémoires.
Aujourd’hui j’ai amené Pati sur le sentier des buissonnières, celui qu’elle a si bien décrit sur le prologue de notre livre, sans en avoir senti le souffle du vent.
Nous avons grimpé tout là-haut, jusqu’à ce village, décor de notre livre commun.
Aujourd’hui nous étions les héroïnes de notre livre, Louise et Ninon, nous allions sur le chemin de montagne. En vrai…
Juré craché, joli pied de nez à mes saloperies de phobies.
Chères Pyrénées, vous avez fait de nous des reines.

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Quel drôle de couronnement… De la boue en guise de blason, et du vent comme couronne. Et en même temps, comment rêver meilleurs ornements !
Aujourd’hui, tu m’as emmenée sur les traces d’un rêve, et j’ai foulé du pied un idéal mémorisé.
Pourquoi ce lieu ? Pourquoi s’est-il imposé à nous avec la même force ? Je n’étais jamais venue là, pourtant oui, je l’ai décrit comme si je m’en souvenais. Comme si j’avais déjà grimpé cette côte, comme si j’avais déjà frôlé ces pierres. Comme une évidence, que c’était la chose à faire, à cet instant précis, et avec toi.

Aujourd’hui, deux plumes ont caressé la pierre autant par l’âme que par le corps. Chaque parcelle de ma peau a vibré de reconnaissance, et de re-connaissance, le tout amplifié par le chant du vent dans la vallée.

Louise et Ninon, Domie et Pati, deux histoires pas si différentes que ça. Deux paires de mains qui ont besoin de sentir vivre la montagne, la lande ou la terre, de rendre au centuple ce que ces lieux qui nous ont vus grandir nous ont toujours donné, et continuent à le faire. Besoin de le sentir, pour mieux goûter l’instant. Et pour mieux ressentir l’existence de ce que nous créons.

C’est si étrange, de se retrouver là où l’on a fait naître toute une vie, toute une histoire. On mélange un peu réel et imaginé, mais après tout, peu importe, car chaque sentiment décrit est vrai, existe et laisse sa trace.

Un jour, nous écrirons le mot fin, sur la vie de Louise et de Ninon. Nous devrons tourner la page, et les laisser se reposer là-haut, au sein de leur montagne.
Pourtant, elles ne nous quitteront jamais vraiment. Puisqu’elles sont nées de nous.
Je me demande ce qu’il adviendra d’elles, une fois libérées de notre emprise…

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Lorsque j’ai garé ma voiture, j’étais heureuse de t’avoir à mes côtés. J’ai voulu faire un demi-tour, sur ce chemin étroit, et je t’ai demandé de me guider :
—  Je n’ai pas envie de mourir dans le ravin, pas tout de suite, pas avant que tu aies vu le hameau, ce serait trop con !
Nous étions devant le lavoir, celui qui m’a inspiré une partie de l’histoire du village. Je voulais te faire faire le même chemin que tu avais fait avec ta plume sur une page blanche. J’étais très émue, le vent nous accompagnait. Nous avons cheminé entre les maisons, je te montrais juste du doigt certains endroits, tu les connaissais déjà, je les avais décrits, tu les avais décrits si bien sur le bouquin.

Ensuite nous n’avons plus rien dit, même plus hoché la tête ou même souri. Pour quoi faire ? Enlever le superflu, gratter le flux de nos émotions pour ne garder que l’instant présent. Nous étions reines sur nos terres.
Quel sentiment étrange, Pati, de te savoir près de moi et de partager ces instants uniques ! Se retourner sans cesse pour voir si le décor est toujours là, derrière, au bout de nos doigts, puis lever les yeux vers le sommet pour être sûre de ne pas rêver. Quel merveilleux partage. Inspirer de toutes ses forces l’oxygène de notre montagne, expirer le moins possible pour ne rien laisser échapper de sa mémoire.

T’avais pas besoin de dire, Pati, et tu m’as fait cadeau de ce silence, un grand, un immense partage. Moi, Domie, qui donne si peu ma confiance, qui la prête à peine sous peine d’être ensevelie par vos regards. Voyez les cadeaux que me fait la vie.

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Il y a une certaine pudeur qui naît, face à un paysage aussi grandiose que celui de cette vallée. On se sent réduit à une taille microscopique. Si petits que les plus gros de nos soucis n’effleurent qu’à peine la base des pics enneigés. Ça permet de relativiser l’importance qu’on octroie à ce qui nous submerge la plupart du temps. Combien de siècles, de personnes belles ou non, de trahisons et de dons de soi ces montagnes ont-elles vu défiler à leurs pieds ?

Alors oui, on se tait. On se laisse envahir par un calme qui régénère, par une impression d’être furieusement, définitivement en place. À sa place.
Se laisser gagner par la puissance de la pierre et de l’air, et retrouver, comme Alice, sa vraie taille.
Les mots, si précieux d’ordinaire, sont alors juste un peu trop bruyants. Et puis j’ai besoin de laisser mon corps entier s’imbiber de ce qu’il ressent, pour mieux faire chanter la plume, et je pense que sur ce point aussi, nous avons quelque écho…

Je n’avais pas eu la possibilité de vivre ça depuis des dizaines d’années, et ces quelques heures passées au contact de ce qui a nourri mon enfance, ce qui donnait sa force à mon papé, ce qui fascinait ma mère et terrifiait ma grand-mère, tu m’as tout rendu d’un coup, en me permettant cette escapade.

Si la vie ne m’a pas fait un super joli cadeau de Noël, elle s’est grâce à toi sacrément bien rattrapée pour l’épiphanie.

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« Si la vie ne m’a pas fait un super joli cadeau de Noël, elle s’est grâce à toi sacrément bien rattrapée pour l’épiphanie. » (Pati)

La montagne nous a faites reines, et si nous avons toutes deux aimé cette vallée, ce coin de montage, ce village un temps abandonné, je crois que c’est justement parce que quoiqu’il se passe ailleurs dans le monde, ailleurs en France, ailleurs dans cette vallée, plus près de la grande ville… ici… Ici, rien ne changera jamais, tout restera repère et nous ne nous sentirons jamais étrangères en cette terre. Tu auras beau regarder autour de toi, tu auras la même image, celle de ton enfance, celle que tu imprimes aujourd’hui, celle que tu retrouveras demain ou dans dix ans, si tu y reviens.
La montagne ne sera pas moins fière, la pierre ne sera pas plus grise, le chemin n’en sera pas moins émouvant, les pics seront toujours aussi majestueux, les cols comme ils l’ont toujours été et les vallées tout aussi verdoyantes. Et comme tu sais si bien le dire, comme tu me l’as si bien répété un peu plus tard, sur ce banc secoué par un grand vent : « Nous sommes si petits, si peu de choses, de minuscules microbes, face à l’immense beauté de tels paysages »
Nous lire ne suffira pas à imaginer le bonheur que nous avons partagé, ni même à entrevoir l’incroyable aventure qu’est la mienne, la nôtre.

J’ai œuvré pour cette amitié particulière, j’ai eu la patience qu’il fallait, l’envie qui me guidait, la volonté lorsque c’était nécessaire.
Je n’ai pas fui, à aucun moment, je récolte les fruits des mois précédents, et ils ont un goût de privilège.


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Tu parles de privilège. Oui, c’en est un. Et un de taille pour moi aussi.
Je viens de rentrer chez moi. J’ai défait ma valise, posé un petit caillou gris rosé sur ma bibliothèque, à côté d’une dizaine de livres fabriqués par tes soins. J’ai installé une jeune pousse près de la fenêtre de ma cuisine, afin qu’elle s’enracine dans sa nouvelle demeure, j’ai regardé les photos que nous avons prises en montagne, je viens de passer une heure à travailler les vieilles diapos de famille que tu as réussi à me scanner...
J’ai mangé entre mon homme et mon fils, j’ai raconté un peu de ce que tu m’as offert...
mais c’est si peu ! J’ai eu du mal à retranscrire la force de ce que j’ai ressenti, j’ai essayé, et mon homme souriait car il a compris à quel point j’avais emmagasiné du bon, chez toi. Mais je n’ai pas atteint le dixième de ce que je voulais lui transmettre ; parce qu’il n’y a pas de mots pour ça.

Des mots, j’en ai pourtant. Pour notre roman, qui va continuer sa route, qui va dérouler le fil de ces deux vies que nous avons enfanté, et pas dans la douleur ! J’en ai pour plein de choses, des mots.
Mais pour dire le repos salvateur, le partage insensé, le dialogue naturel, l’écoute intense, l’attention fraternelle, je n’en ai pas assez.
Pour dire ma stupeur mêlée à de la joie de te voir à peine stressée, de te voir si naturelle alors que j’empiète sur ton territoire, à te voir me l’offrir en partage comme ça, si simplement, alors que c’est loin de l’être pour toi, je n’en ai pas assez.
Pour dire à quel point le vent qui n’était pas l’hegoa a lavé ma peine en ébouriffant nos cheveux, je n’en ai pas assez.

Alors je vais faire ce que je sais faire : je vais ranger tout ça au creux de mon ventre, pour les nuits grises de l’automne, pour les jours tristes, pour les matins de fringale affective, et je m’en nourrirai.
Et puis je prendrai ma plume, et tout ce que j’ai partagé avec toi viendra encrer mes mots de couleurs qui ne m’appartiennent pas en propre mais que j’ai nuancé avec les tiennes.
Enfin, nous achèverons ce roman, dans la liesse et la fierté d’avoir accompli un rêve...
avant d’en faire naître un nouveau.
Parce que la montagne a fait de nous des reines, nexta.

suivez la flèche, pour découvrir les photos !      

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Commentaires
J
Reelement vous avez de la chance, une chance inouie de vous etre rencontrée et de partager tant de choses. quelle belle amitié, ca n'a pas de prix et quelque part je vous envie.<br /> <br /> bises a vous deux.
G
Waaaw...<br /> <br /> Non, non, c'est tout, c'est comme toi : y a pas de mots ! :o)
S
Que d'émotions à lire vos mots mêlés...<br /> 2 âmes soeurs qui se rencontrent c'est toujours émouvant....
P
merci grande soeur. si nous lire est un cadeau, crois bien qu'écrire à deux en est un aussi, et de taille :))<br /> <br /> zénondelle, merci. parfois les mots sont inutiles, la trace d'une lecture est suffisante. :)
Z
Bonsoir Pati,<br /> Je découvre "A mon père" ce soir, et je suis bouleversée. Je n'ai pas de mots ... sinon que cet hommage est vibrant.
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