souffle de vie
La dernière consigne de kaléidoplumes concerne un sentiment bien spécifique. La colère. Et c'est drôle, parce que c'est justement le sujet de la dernière note de Pierre ! :))
J'aime bien ces raccourcis, entre deux espaces que je fréquente.
La colère.
J'ai dû apprendre à me mettre en colère. Apprendre à la gérer, à lui lâcher la bride sans tout casser. Pour être tout à fait honnête, ma, non mes colères m'ont sauvé la vie, à une époque bien troublée de mon existence. Elles ont libéré chez moi ce que je ne m'attendais pas à y trouver : de la confiance.
En moi.
C'est difficile de se laisser aller hors de ses gonds, de perdre momentanément le contrôle, voire de risquer gros, sur un mot ou un geste malheureux. Mais c'est tellement plus difficile, de vivre avec un poison quotidien au fond des tripes, au fond du crâne, qui envenime chaque pensée, chaque seconde de votre vie.
Et puis c'est sournois. On se dit qu'on n'y pense pas, mais le travail de sape se fait en douce, en catimini. Et quand le barrage pète... c'est pas beau à voir.
Ma psy avait installé un sac de frappe, dans son bureau. Eh ben, j'étais même pas foutue de le faire se balancer, au début ! J'arrivais pas à taper, je ne m'en octroyais visiblement pas le droit.
Impossible de perdre (encore) le contrôle, pas après des années d'errances végétatives et psychédéliques... Pour moi, péter un câble était tout, sauf "normal". Après quelques mois, ma psy l'a décroché, juste après qu'il ait failli casser sa fenêtre après un coup super bien porté !
Entre les deux, du travail, BEAUCOUP de travail...
Mais je suis bien contente d'avoir appris ce lâcher-prise là. Il a contribué à me libérer de mes chaînes, de mon passé, il a permis l'acceptation, la digestion.
Aujourd'hui, je gueule très souvent (trop même, aux dires de mes proches ;)) ), mais sans laisser de fiel derrière, ça m'équilibre, empêche les choses de trop stagner en moi. Je m'équilibre.
Et serais aujourd'hui bien incapable de réfréner mes coups de gueule ;))
Voici pour vous le poème que j'ai pondu sur ce thème :
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Je n'étais pas une enfant coléreuse.
J'appris ce sentiment adolescente.
Quand ma vie suivait la mauvaise pente,
La colère fut mon ancre hasardeuse.
J'ai dû apprendre à la libérer,
Batailler pour que coule le flot
De tous ces mots cachés
Qui me laissaient le cœur gros.
C'est elle qui m'a appris la valeur du lâcher.
Que réfréner sa rage ne fait que l'empirer.
Si elle détruit parfois ce qui lui fait ombrage
Elle assainit mes tripes et me laisse plus sage.
Ça commence par un frisson glacé
Qui remonte mon épine dorsale
Elle se mêle à mes sombres pensées
Et monte à l'assaut d'un cœur qui s'emballe.
Ma colère a deux visages.
Celui du sud, sonore et théâtral
Qui détruit l'écoute mais vide ma rage
Et disparait aussitôt qu'elle s'étale
Et celui des montagnes, implacable et froid.
Des deux, celui-là a la palme
Car c'est la glace qui l'anime et me broie
Plus ma colère enfle et plus je me calme
L'autre s'énerve et s'agite
Je reste de marbre, à poursuivre l'invite
Et sape ses efforts d'une ironie mordante
Qui détruit tout, me laisse pantelante
La première ne me veut que du bien.
Ne laisse pas de fiel dans mon âme
L'autre entasse en moi des regrets infâmes
Celle-là est néfaste, car elle ne construit rien
Pourtant les deux sont, et me définissent.
Elles cohabitent en mon centre vital
Mes colères m'ont sauvé la vie, et tissent
De ma personnalité actuelle la toile.