Violet profond...

Assis sur la grève déserte, Roger profitait de la clémence de cette fin de journée, et laissait errer son regard sur les eaux tranquilles du lac Léman.
Ils avaient roulé une bonne partie de la journée, et un peu de calme et de silence ne se boudaient pas, avant le concert de ce soir... Frank était, il est vrai, fort coutumier de prestations musicales de folie !
Et puis, le lendemain, ils entamaient l'enregistrement de leur dernier album ; alors pour le luxe du calme et la volupté du silence, c'était maintenant ou jamais!

Bien sûr, il ne savait pas...

Tout à l'heure, il trouvera le concert génial, comme toujours. Frank, égal à lui-même, déchaînera son public. Habitué aux facéties scéniques de son ami, Roger ne bronchera pas lorsque soudain, un homme brandira un de ces lance-fusée de détresse, et tirera sur le splendide plafond en bois sculpté du Casino... Tout comme les 2 000 spectateurs, il prendra pour un effet de scène ces jolies flammèches inoffensives, jusqu'à ce qu'elles se transforment en un brasier infiniment glouton... Frank, étonnant de flegme, parviendra à faire sortir tout le monde dans le calme ; grâce à son attitude, il n'y aura pas de victimes à déplorer... Tous se retrouveront dehors, sur cette grève encore tranquille, et regarderont, impuissants, le feu dévorer le vieux casino de bois de Montreux.

Bien sûr, il ne savait pas...

Sur les conseils de Claude Nobs, Ritchie, Ian, Roger et les autres se réfugieront dans leur hôtel ; de leur balcon, ils verront l'épaisse fumée de l'incendie envahir le lac. Roger, alors, prononcera quatre petits mots, dans un état second. Il les notera, vite, sur la première chose qui lui tombera sous la main (à savoir, une serviette en papier...), au cas où...

Bien sûr, Roger ne savait pas...

Quelques jours plus tard, l'album écrit et enregistré à une allure record, il leur restera un petit peu de temps pour une dernière chanson, un bouche-trou, comme on dit... Ritchie, qui trime sur un riff depuis longtemps, l'utilisera comme base musicale. Doum doum doum, doum doum dou-loum...
Ils auront la musique, leur restera les paroles à trouver. Le lendemain, Roger se réveillera en sueur, en prononçant à voix haute les quatre fameux petits mots... Ian y verra un signe. Il écrira d'une traite le texte de leur "bouche-trou" ; il s'inspirera de l'incendie du Casino, bien sûr... Ils clôtureront l'album ainsi.
Roger ne saura pas que ces quatre mots, jetés à la hâte sur une serviette en papier, donneront naissance à un tube planétaire ; que cette chanson de dernière minute, ce bouche-trou enflammera les foules et deviendra la véritable signature du groupe, leur "Hey Jude" à eux...

Un riff de fou à la guitare, et quatre petits mots de rien du tout... "Smoke on the water" ... Mais ça, Roger,le bassiste de Deep Purple, ne le savait pas encore...

écrit pour Paroles Plurielles         

Comments

[pati]

merci à toi, 'tite grenouille ! :)

deep purple est un de mes groupes préférés, et même si Smoke on the water n'est pas ma chanson favorite de ce groupe ( c'est plutot Child in time! ), son histoire m'a plu et j'ai eu envie de la partager :)

[rainette]

Je le relis... j'ai des frissons.... c'est une histoire incroyable, je ne savais pas. C'est cet air que j'ai jouotté en premier sur ma première guitare !!! avant "the needle and the damage done" de Neil Young !
Merci encore pour ce moment d'émotion.

[rainette]

Deep Purple.... j'ai adoré, et Smoke on the water bien sûr.... je l'ai toujours, en vinyl ! précieux.
Et ton texte.... il est vraiment beau !