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Les Mots de Pati
30 mai 2006

pardon...

beaucoup d'interrogations, en ce moment, autour du mot "pardon", un peu partout sur la blogosphère... je vais tenter d'y apporter mon explication... Zel, me demande d'aller lire un texte, qui parle du pardon, et me demande ce que j'en pense. le texte est d'alice Miller, vous pouvez le lire en entier ici. en voici quelques extraits :

"...Je reçois un grand nombre de livres dont les auteurs rapportent des cruautés inouïes qui leur furent infligées dans leur enfance, mais assurent dès les premières pages qu'ils ont tout pardonné à leurs parents. Dans tous ces récits se manifeste clairement le mécanisme de répétition, qui les contraint à reproduire l'imposture dont ils ont, autrefois, été victimes. Il se révèle, en premier lieu, dans l'affirmation, professée par les religions, que le pardon amène la guérison. Ce qui, à l'évidence, est contredit par les faits. Quand on est obligé de prêcher, on n'est pas libre.
Voudrais-je dire par là que lorsque l'adulte pardonne les crimes perpétrés à son égard quand il était enfant, cette démarche est non seulement inefficace mais encore nocive ? Oui, c'est exactement ce que je veux dire. Car le corps ne comprend pas les leçons de morale. Il lutte contre le déni des émotions vraies et pour la prise de conscience de la vérité, qui fut interdite à l'enfant. L'enfant a été obligé, pour survivre, de se mentir et de ne pas voir les crimes de ses parents. L'adulte, lui, n'est pas contraint à se leurrer et à rester aveugle, et s'il le fait, le prix en sera élevé : soit il le paiera lui-même, en perdra sa santé, soit il le fera payer aux autres, à ses enfants, ses patients, ses subordonnés etc..."
"...Toutes les religions ne s'accordent-elles pas pour déclarer que le pardon mène au Ciel, Job n'a-t-il pas finalement été récompensé d'avoir pardonné à Dieu ? Le patient ne peut attendre aucun secours d'un thérapeute qui s'identifie à ses parents maltraitants. Mais, en tant qu'adulte, il a le choix : s'il s'est aperçu que son thérapeute le mystifie et s'auto-mystifie, il peut le quitter. Il n'est pas obligé de s'identifier à lui et de reproduire ses agissements. Christian, lui aussi, devenu adulte, a acquis la liberté de percer à jour les manipulations de Gustave. De ce fait, il ne risque guère d'infliger le même traitement à autrui. Mais un enfant ne dispose pas de cette liberté. On ne peut pas échapper à ses propres parents, donc on n'a pas le droit de les percer à jour. Se boucher les yeux permet de survivre. C'est ainsi que fonctionne, depuis toujours, le mécanisme de la maltraitance des enfants. On s'aveugle et on pardonne pour survivre, mais cela mène trop souvent à la répétition des mêmes comportements, dont des innocents feront les frais..."

je ne suis pas d'accord avec cette personne. d'abord parce qu'elle entend le mot "pardon" dans son contexte religieux et ne lui en accorde aucun autre. bien sûr, le pardon tire son origine de la religion, je suis d'accord, mais il peut être "lu" dans d'autres optiques.
je ne suis pas croyante, et ne conçois pas qu'un "être suprême", une foi me dicte ce qui est bon pour moi. il y a dans le pardon chrétien, une aura d'acceptation tacite qui me dérange. en ce point je rejoins alice Miller.
parce qu'en ce cas, la personne qui pardonne ne le fait pas en son nom propre, mais au nom d'une foi, d'une croyante inculquée depuis son enfance, qui sait mieux qu'elle ce qui est bon pour elle. qui pardonne parce que c'est bien de pardonner, ça donne bonne conscience... etc... bref, tout un panel de bonnes raisons, je n'en doute pas, mais qui n'ont rien à voir avec l'acceptation volontaire, la "digestion" de ce qui nous est arrivé. ce pardon-là est une mascarade, et n'apporte rien, s'il n'est pas consciemment accordé.
en conscience, donc.

ensuite, elle affirme que si on a subi des sévices, et qu'on les a "pardonné", on va reproduire sur autrui , inévitablement... ah bon. je ne vois pas pourquoi. ou alors, ces personnes-là n'auront pas effectué de travail sur eux, et auront estimé que seule leur foi, et donc le pardon qu'elle préconise, les sauvera.
"Car le corps ne comprend pas les leçons de morale". donc, elle voit le pardon comme un code de moralité. ok.
alors on ne parle pas de la même chose. pour moi, le pardon, c'est autre chose. il ne peut pas exister avant qu'un long travail d'analyse n'ait été fait, d'une part. pour pardonner, il faut quand même savoir ce qui doit l'être, et surtout, POURQUOI ! pour essayer d'expliquer ce qu'est, pour moi, le pardon, je vais raconter un petit bout de mon parcours :

jeune, j'ai subi certains exces, qui m'ont fortement traumatisée, au point que ma conception de la vie en a été "faussée", pendant plusieurs années. j'avais perdu tout repère, ai agi sans aucune considération pour moi, ce qui est logique, somme toute, puisque je ne savais pas (plus) qui j'étais. [et non, tu n'en sauras pas plus, lecteur curieux! il te faudra attendre qu'ait débuté la narration de MA vie ! héhé...]
à un certain stade, je me suis trouvée dans un tel marasme psychologique que je n'ai pas eu d'autre choix que celui d'entamer une analyse, histoire d'évacuer ce trop plein qui n'était pas moi.
après avoir tatonné un moment, avant de trouver le bon psy, c'est à dire celui avec qui le courant passait bien, avec qui une confiance immédiate s'est installée, il m'a fallu environ deux ans, pour déblayer le terrain, si j'ose dire.
bon. je savais le QUOI. ce qui m'avait fait mal. je savais aussi un bout du POURQUOI. parce qu'il est des choses qu'on ne doit pas faire subir aux autres, surtout quand ils sont en état de faiblesse caractérisée, moralement, physiquement, ou les deux, comme c'était mon cas.
restait à comprendre pourquoi certaines m'ont plus atteintes que d'autres. ce qui, en fait résonnait par rapport à ma vie d'avant ces évènements... allez.. presque deux ans de plus.
[et encore, j'ai eu du bol, ça a été assez vite, je trouve :)]
arrivée là, je me retrouve comme qui dirait toute neuve... avec une vraie vue de QUI je suis. mais je suis encore loin d'accepter ce que j'ai vécu. pourquoi? parce que je ne vois encore rien de positif, à avoir vécu ça. j'en souffre encore, d'autant que là, je sais les tenants et aboutissants. je sais à quel point certains ont abusé de ma candeur, par exemple, et je suis loin d'imaginer l'ombre d'un pardon possible. trop de colère en moi, à ce moment là...
colère bénéfique, d'ailleurs. elle m'a boosté à démontrer notament que je pouvais me réaliser, à devenir quelqu'un de pas trop moche, en dedans... dans le genre "ils vont voir, ces cons, ce que je suis cap' de faire, namého!!"

et puis, tu grandis, encore un peu.
et à un moment, j'ai compris une chose importante. qui n'est peut-etre valable que pour moi, je ne dis pas le contraire.
j'ai compris que j'étais la somme de TOUT ce que j'avais vécu. le bien, et le pas bon. le beau, et le sale. le connu, et l'inconnu, aussi...
et j'ai compris qu'à ce moment-là, j'avais "digéré" mes traumas, que je les avais avalé tout cru, que mon organisme, mon "moi", les avait digéré, transformé, et INTEGRES. ils coulent désormais dans mes veines, le long de mes nerfs. ils sont moi. ce que je suis devenue, ce que je sais de moi, quelque part, je le leur dois.
quand j'ai compris ça, j'ai compris autre chose. je n'avais plus besoin de ma colère. elle était devenue stérile, inutile, et limite malsaine. c'est à ce moment-là que l'idée de pardon a fait son chemin.

pardon pourquoi ? pour qui ?
pour moi, déjà, c'est une évidence. pas besoin de pardonner aux autres pour les autres, non, pour ça, qu'ils se débrouillent eux-même... mais le faire pour moi, oui. pour tourner la page ; pour clore cette période de ma vie ; pour pouvoir m'appuyer sur ce qui est devenu une expérience de vie, une leçon aussi. les périodes de rancune, de rage, de hargne et de douleurs était derrière moi.
j'ai pardonné. en bloc. aux autres de m'avoir blessé, à moi de ne pas m'être respectée. tout pardonné.

et je suis entrée en résilience. je me suis reconstruite. après avoir accepté mon passé, et accueilli mon présent, je pouvais envisager un avenir.
voilà à quoi m'a servi le pardon.

le corps ne comprend peut-être pas les leçons de morale... mais les leçons de vie, oui.
c'est une certitude.

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Commentaires
E
Non, t'as raison Pati, c'est pas si important le comment, c'est juste que je me dis que j'ai de la chance, et qu'il faut que je pense à l'apprécier !!<br /> belle âme, c'est très gentil, Pati, mais ... enfin j'aimerai ... enfin bref, tu me mets un peu mal à l'aise quoi, genre intimidée ;-))<br /> enfin, merci Pati!
P
peut-être parce que ta blessure n'était pas sur une faille en rupture... ou parce que tu as reçu l'aide qu'il te fallait à temps, à point nommé... je ne peux pas répondre à ça pour toi :)<br /> <br /> et puis, après tout, est-ce si important, le comment ? l'important est que tu sois la somme de tes expériences, aujourd'hui, et que tu le saches :)<br /> <br /> belle âme, toi. ça se sent :)
E
Pati : mon interrogation c'est "comment se fait-il que je m'en sois sortie comme ça ?!!!"
P
elvire ? où est ton interrogation ? à te lire, tout a l'air clair pour toi ?<br /> l'est-ce vraiment ?
E
Pati, je partage absolument tout ce que tu dis de ton parcours, je comprends parfaitement ce que tu dis la ...sur la première partie (le pardon au sens chrétien) je serai plus nuancée, bien qu'agnostique parce que je crois que certains chrétiens ont un vrai et juste sens du pardon, mais bref ...<br /> il me reste une interrogation : la résilience. Le parcours que tu décris et qui t'as pris des années, pour moi il a été quasi instantané : victime petite fille, en colère et rage immédiate ou presque (c'est à dire juste après le temps de l'hébétude) et puis tout de suite après j'ai pardonné et j'ai comme toujours su ensuite que j'étais faite de tout ça, du bien comme du mauvais... voilà, c'est ainsi, je ne saurai pas l'expliquer...
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