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Les Mots de Pati
14 juillet 2006

discrètement...

nouvelle consigne de Paroles Plurielles...
il s'agit de remplir les trous, entre les mots en gras...

plage_landaiseAprès quelques minutes de marche, il se sentit plus serein. Sa colère le quittait, refluait de ses tripes en vagues hurlantes et ravageuses, pour venir se fracasser au calme de la nature qui l'entourait. Ses pas l'avaient portés vers cette forêt dense, et maintenant il hésitait à y pénétrer. Il s'assit sur un rocher plat et grumeleux, au bord du sentier qui menait à l'orée de cette antre silencieuse, poursuivi par la houle de ses pensées torturées.

Comment en était-il arrivé à ces extrémités, bon sang ? Un tel emportement ne lui ressemblait pas ! D'ordinaire, il était plutôt du genre taciturne, calme, voire renfermé. Jamais un mot plus haut que l'autre ; jamais un mot, tout court. Mais là, ces deux courtes phrases... ces cinq petits mots qui tournaient en boucle et s'entrechoquaient dans sa tête. Il avait passé des jours et des nuits à redouter de les entendre. Il avait tenté de s'y préparer. Peine perdue. Le choc avait été encore plus violent que tout ce qu'il avait pu imaginer.
Il entendait le fracas de l'océan, juste derrière les arbres. Envie d'eau, envie d'aller plonger sa tête brûlante dans le froid de l'eau salée, salée comme les larmes qui ruisselaient maintenant sur ses joues. Le sable du sol landais chauffait ses pieds nus. Tiens, il était parti sans ses chaussures, il s'en rendait compte à l'instant...
Sentir le sable se glisser entre ses orteils l'apaisa. Lentement la vie reprenait substance, face à lui, autour de lui. Il plongea la main dans les grains intemporels de cette sente lumineuse et les laissa filer entre ses doigts, car c'était comme si chaque grain était une seconde de plus hors du temps, hors de la réalité. Comme si cela lui permettait de ne pas penser.
Ne plus les entendre.
Il avait serré son poing d'instinct. D'instinct, il avait visé la bouche du docteur, comme pour y enfoncer ces deux phrases, ces cinq mots atroces : " C'est fini. Rien pu faire..." Pan ! Un seul coup  ! Sonné, sanguinolant, la lèvre ouverte, le docteur était parti, sans un mot de plus, sans un regard. Seules, ses épaules basses reflétaient son désarroi.

Et maintenant, assis là sur son rocher, ermite en douleur, il en voulait à la terre entière. Il était seul à jamais, déchiré, et il sentait d'emblée la difficulté qu'il aurait bientôt à les regarder vivre, tous ces gens autour de lui. Oh ! Il le savait, qu'ils allaient venir. En masse. Maintenant qu'ils ne pouvaient plus rien pour eux, ils seraient là, avec leurs mines chafouines, faussement tristes et compatissantes. C'était avant, qu'il les attendait ! Avant qu'ils auraient pu sauver sa femme, ses gosses ! Crever de faim, au vingtième siècle, dans l'indifférence générale... Oui, ça existait encore...

Assez ! Stop ! Arrêter de se torturer... Se calmer, voilà... Respire... Calme... 

Lentement, il se releva. Puis il reprit son errance, tournant le dos à la forêt accueillante. Ce n'était pas sa route. Il avança, résolu, en essayant de maintenir intact ce calme tout neuf qui coulait dans son âme. En réalité, il devinait que l'océan avait toujours été sa véritable destination. Il escalada les dunes brise vent, couvertes de ces herbes fines qui se balancent nonchalament au gré du souffle marin. Il marcha, puis se mit à courir vers ce bord de mer qui avait accompagné sa vie. Il en avait assez de vivre. Assez de lutter. refusait de passer le reste de son temps à déprimer.

Il s'enfonça lentement dans l'écume glaciale, droit devant pour son ultime chemin et disparut comme il avait vécu. Discrètement.

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Commentaires
P
merci, la belle :)
A
il a fait son choix ...<br /> <br /> trés beau texte, émouvant, j'aime ...
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