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Les Mots de Pati
20 mars 2007

écris-moi qui je suis, je te dirai qui tu es...

Image1J'ai assisté samedi après-midi à une table ronde dont le thème portait sur les journaux intimes en ligne. Et notamment les blogs.
Il s'y est dit des choses très intéressantes. J'en ai retenu quelques unes, volées à ceux qui les ont prononcées, de bien belle manière. :)

J'ai ainsi appris qu'au tout début de ces journaux en ligne, qui à l'époque étaient surtout des sites (sans outils permettant des commentaires, donc), on les taxait d'exhibitionnisme. Ainsi, écrire sur ce qu'on a en soi, ce qu'on porte en nous, aurait été une façon de se mettre à nu. Plus que de toute autre manière.Pourquoi ? Parce que l'intime était d'un coup ouvert à tous. Et apparamment, les gens bien pensants de l'époque (oh c'est très très vieux, à l'échelle d'internet : une dizaine d'années), cela s'apparentait au summum de l'indécence.

Il semblerait que ces temps reculés ne soient plus de mise. Les écrivants de journaux intimes ne sont plus des exhibitionnistes... Tout au plus, je pense qu'on les voit aujourd'hui un peu comme des bêtes curieuses. Mais qu'est-ce qui peut bien pousser quelqu'un à livrer ainsi au regard de tous son propre regard sur lui-même ? Et dans quel but peut-il bien le faire ?
A ce stade de la réflexion, on sent bien comme les bonnes âmes d'aujourd'hui se sentent désarçonnées par ce choix d'oser dire ce qu'en général on tait. J'en retiens pour preuve l'étonnante flopée de questions qui ont eu pour thème l'aspect juridique du propos plutôt que le propos lui-même. Comme s'il valait mieux causer de ce qu'on peut espérer appréhender plutôt que se frotter d'un peu trop près à ces drôles de personnes, qui ont de drôles d'espaces internet, avec un drôle de nom : les blogs. Et qui offrent au regard de tous leurs petits (ou grands) bobos, leurs questionnements intimes, leurs doutes, enfin, ce qu'en règle générale, on ne raconte pas à n'importe qui, ni d'ailleurs aux autres.
En clair, j'ai senti comme une bouffée d'encanaillement saisir ces gens, apparamment néophytes, qui étaient présents face à trois courageux blogueurs et une jeune fille auteur d'une thèse sur la différence entre les journaux écrits et ceux en ligne (enfin, je résume, hein...).

Pourquoi "encanaillement" ? Eh bien, j'ai eu, vous savez... un de mes fameux "et pof ! envolée..." en plein milieu de cette table ronde, et j'ai vu d'un oeil très éloigné tous ces gens, venus écouter d'autres gens leur parler d'un truc dont ils ne comprenaient visiblement pas le but mais qui en même temps avaient comme la sensation d'approcher là une chose indicible, une chose attirante et en même temps un peu effrayante : la liberté d'expression. Voire la liberté tout court. Ils avaient devant les yeux (ainsi qu'au milieu d'eux, d'ailleurs) quelques spécimens qui osaient dire l'intime.
Bon d'accord, je force un peu le trait. je sais bien qu'ils ont en fait écouté avec attention ce qui a été dit. Même, je pense qu'ils ont honnètement tenté de comprendre les motivations de nos courageux blogueurs. mais je ne suis pas sûre qu'ils y soient parvenus, en fait.

parce qu'à y bien réflechir, qui d'autre que les écrivants d'intime se demande par exemple s'ils doivent se sentir en confiance sur leur espace d'expression ? S'ils font bien d'autoriser des gens, totalement inconnus, à commenter leurs mots ? Qui d'autre qu'un blogueur peut se demander s'il écrit pour un public ou pour lui-même ? Franchement ?
Comment comprendre l'incroyable échange qui se crée, entre l'écrivant et son lecteur ? Si l'on écrit pas soi-même ? Si l'on n'expérimente pas soi-même cet échange ?
je me souviens de la question d'un homme, qui se demandait comment on pouvait tisser  des liens de confiance, proche de l'intime, avec des gens qu'on ne connait pas, que ne voit pas. Comment on passait de l"écriture solitaire à ces cercles conviviaux d'écoute attentive, de partage d'expérience de vie ? J'ai bien vu que sa question était parfaitement sincère. Il ne comprenait pas comment c'était possible. Matériellement possible.
Comment lui expliquer alors qu'il n'y a pas vraiment d'explication, ou alors qu'il y en a autant que de blogueurs ? Que pour comprendre, il faut l'expérimenter soi-même ?

Et puis, une autre phrase m'a fortement interpelée. Parce que je connais bien ce qu'elle cache. Une blogueuse a dit qu'en fait, au moment où elle a créé son blog, c'était pour répondre à un besoin de communiquer sa douleur. Et qu'elle était dans l'incapacité totale d'en parler à qui que ce soit autour d'elle. Parce que trop touchée par le drame, elle ne se voyait pas ( et comme on la comprend ! ) aborder qui que ce soit et lui dire : "dis donc, tu sais, je vais pas bien du tout, tout s'abat sur moi en même temps et... " et l'autre, c'est clair se sera enfui à l'autre bout du monde avant la fin de sa pauvre tirade... Ce fut pour elle, à cet instant précis, la seule et unique possibilité de s'exprimer sur ce qui lui arrivait. Vider son sac sur un espace, l'offrir à la lecture d'yeux anonymes, s'équilibrer, en clair. Et elle raconte comment elle s'est pris de plein fouet le choc des commentaires, des retours de lecture, le choc aussi des découvertes d'autres espaces, qui racontaient d'autres peines, comme un baume , comme le rejet d'une solitude qui s'installe et contre laquelle on lutte, de toute ses forces. Comme en fait, cette découverte-là a fait basculer sa vie, l'a modifiée en profondeur. Lui a fait prendre un virage étonnant, enrichissant, créatif, en partage.

Même si aujourd'hui, ces mêmes commentaires sont parfois source d'autres soucis... car comment être sûre que ce qu'on veut faire passer comme message est bien perçu ? Voire, est-ce important, finalement ? Doit-on répondre aux comm' ? Ou pas ?

En fin de compte, ce que j'ai retenu de cette passionnante table ronde, c'est qu'en répondant à une interrogation, on s'en crée deux... quand on s'ouvre aux autres.

mais que, du moins à mon point de vue, le jeu en vaut sacrément la chandelle ! ;)

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Commentaires
F
J'aime beaucoup les questions que tu poses dans le paragraphe qui démarre "qui d'autres que les écrivants de l'intime" et le suivant. Et serais d'ailleurs bien en peine d'y répondre...<br /> Je ne saurais dire que le plaisir que j'ai à trouver des commentaires qui m'apportent des réponses ou des éclairages quand j'expose une réflexion, une tentative de comprendre qqch. Je suis impressionnée de voir que les interlocuteurs prennent vraiment le temps de contribuer, et cherchent à apporter leur pierre.<br /> Cela me réchauffe le coeur autant que cela peut nourrir l'esprit...
R
pour faire court, (mais je n'ai pas le savoir de tous ces grands penseurs -bien intentionnés)<br /> .. tu l'as dit bouffi !
A
Pati, ton compte-rendu est vraiment excellent !<br /> Tu fais ressortir la substantifique moelle de ce que sont les blogs intimes.<br /> Autant de pistes de reflexions toniques !
M
et une autre question encore... faire son blog où? ce n'est pas si évident de choisir l'endroit... Je vois mal Pati sur 20six, de même que je la vois mal en dehors d'une communauté de blogs. Certains avec pourtant les compétences techniques pour créer un blog hors communauté choisissent un lieu comme ici pour x raisons, qui les rassure ou bien les stimule... ou simplement pour la convivialité ambiante, ce qui est le cas dans ces contrées non?
P
lamère, j'aime bien cette idée de "thérapie de groupe" :o)<br /> <br /> Pour ce qui est d'exprimer ce que l'on veut, sans peur de causer du chagrin... ça marche tant qu'on n'a pas de problèmes avec les relations nouées sur internet. Sinon on se retrouve avec des restrictions dans la liberté d'expression. Ça peut alors devenir très compliqué de se dire...
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