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Les Mots de Pati
5 septembre 2007

Un samedi soir, sur la Terre...

               image d'ici
terrassecafeEcrit à Paris, samedi dernier, en allant récupérer mon fils qui revenait de vacances.

Je suis en train de satisfaire à un de mes plus grands plaisirs : m'asseoir à la terrasse d'un troquet et regarder aller et venir les gens tout en sirotant un café.
J'adore ça ! Surtout ici, à Paris. Il s'y côtoie toujours une foule des plus bigarrée. Mélange de nations chez les touristes, et mélange de genre pour les autochtones... Détonant.

On entend toutes les langues, on croise tous les styles : des jeunes filles branchées en sortie, le jean à la mode vissé sur leurs fesses, des couples enlacés, totalement seuls au monde, des mecs en recherche d'aventure, le regard qui furète dans tous les coins et un sourire de circonstance scotché aux lèvres, des familles en sortie hebdomadaire, avec leurs ados qui marchent aussi loin d'eux que possible, genre "non, je ne suis pas avec eux, je sais même pas qui c'est...", des touristes complètement perdus, qui croulent sous leurs sacs et leurs appareils photos, d'autres mieux organisés, qui mitraillent la rue à tout va et bloquent la circulation de ses passants, une mamie qui promène son chien tout en maugréant sombrement contre cette foule envahissante, des hommes visiblement en sortie d'affaire, qui parlent boulot à des clients qui ne les écoutent pas mais draguent de l'oeil la jolie fille qui les croise... de tout, quoi.

Seule à ma table, en terrasse, j'attire le regard, j'attise la curiosité du passant. Je ne sais pas si c'est le fait que j'y sois ostensiblement seule ou bien mon carnet sur lequel je jette mes impressions, qui étonne le plus. Un peu des deux sans doute.
C'est vrai qu'elles sont encore rares, les femmes qui affichent sereinement leur solitude, momentanée ou non. A croire que c'est une tare, qu'être seule. Bizarre, du moins. Parce que bien évidemment, on n'est pas seul volontairement. On subit la solitude, on ne la recherche pas. Ce qui doit expliquer ce mélange de curiosité et de pitié, dans l'œil du passant qui passe, et qui lui, affiche largement ses accompagnants. Ce ressenti n'aide évidemment pas à bien vivre sa solitude en public...
En me baladant dans les rues animées de Montparnasse, j'en ai vu quelques-unes, de ces femmes. Et ce que j'ai remarqué, c'est que pas une n'avait le regard qui s'échappe droit devant, pas une n'était désœuvrée. Beaucoup plongeaient leur regard dans un livre, une revue, avec une assiduité confondante, d'autres ne lâchaient pas leur portable, genre "j'ai des amis, plein, et je les rejoins quand je veux" ( l'étonnant dans l'histoire n'étant pas qu'elles aient des amis, ce dont je ne doute pas, mais qu'elles ressentent le besoin de le faire savoir à tout le monde ), bref, je n'en ai pas vu une, ce soir, qui m'ait donné l'impression d'assumer sereinement sa solitude. Il fallait qu'elles s'occupent les mains, le regard, afin peut-être de ne pas lire leur solitude dans les yeux des autres.
Je les trouve courageuses, ces femmes. Je ne sais pas si elles sont tout le temps seules ou juste pour une ou deux heures. Peu importe. Même une heure seule, cela semble difficile à assumer en public. Elles m'émeuvent, dans cette lutte quotidienne. Et je me demande pourquoi cette différence de regard, quand c'est une femme qui est seule ou quand c'est un homme. Un homme seul, ça ne choque ou n'étonne pas. Une femme, si. Moins qu'avant peut-être, mais cela surprend encore. Il traîne un " même pas capable de se trouver quelqu'un, celle-là, me demande ce qu'elle a qui cloche..." dans l'air, qui les accompagne à chaque pas. Usant, non ?

Un couple m'a abordé. Eux, c'est le carnet qui les a interpellés. Environ 70 ans ( le couple, pas le carnet, faut suivre hein! ), ils se tiennent la main, leur regard est pétillant de vie, ils sont charmants. Je les prends pour des touristes, mais ce sont des gens du quartier. "Vous écrivez ?" La femme sourit, complice. M'explique qu'eux aussi aiment détailler la foule, attablés en terrasse. Etonnée qu'ils aient ciblé juste, je leur propose de s'asseoir à mes côtés, le temps d'un café. "Vous publiez ?" Eux oui, ils ont publié leur récit de voyages, lui est un ancien consul, à la retraite. Ils ont vécu un peu partout. Pas mal en Afrique, en Inde aussi. Des images plein la tête, des souvenirs à la pelle, ils ont eu envie de les partager avec les autres. Ont publié à compte d'auteur, faute de professionnel intéressé. Pas grave, visiblement, ils sont ravis d'avoir inondé leur proches de leur bouquin en cadeau.
Je leur ai parlé de ma saga familiale, de mes textes de fiction, du blog sur lequel je les publie. "Du quoi ?" J'explique le blog, la possibilité d'un espace d'écriture, la richesse des commentaires, l'échange, le plaisir d'écrire pour soi, et au final de le partager avec d'autres, la découverte d'autres espaces de création. Ils ont le regard extrêmement attentif, je les passionne, visiblement. Ils me demandent si c'est compliqué à créer, un blog. J'explique, encore. Ils s'étonnent que des adultes tiennent ce genre de site. Ils les pensaient dédiés aux ados et leurs émois. Ils sont fascinés par l'intime qui se dit, qui se décrit, s'analyse, se partage. Ils vont étudier ça de près. Ils sont pleins de curiosité. Ont envie de partager ce dont je parle, de le vivre.

Nous nous sommes quittés ( je me suis sauvée, j'allais être en retard pour retrouver mon fils et sa copine, à l'arrivée de leur train ! ), enchantés de notre rencontre fortuite, ravis de l'échange imprévu, encore plus certains de la beauté de la vie, je leur ai donné le lien vers mon blog, eux m'ont laissé leur mail, ils me tiendront au courant de leur odyssée webienne... ou pas, peu importe en fait. C'est l'instant qui est beau, qu'il faut garder en mémoire.
Je souris en marchant vers la gare.

C'est une très belle soirée.

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Commentaires
B
Waouh :-)<br /> Joli billet, et jolie rencontre...<br /> La solitude peut parfois être recherchée, malgré tout... pour se ressourcer, pour prendre du temps, pour exister en tant que "soi" !<br /> Quant à ce couple, il représente ce que j'aimerais être, plus tard... ça me donne plein d'espoir :-)
I
j'ai du retard de lecture ...
P
Beau récit de ces croisements de vie qui parfois s'offrent le temps de durer un peu...<br /> <br /> Ce que tu dis de la solitude me fait penser que je ne la ressens que lorsque je vois des couples qui ont l'air de partager une douce connivence. Sinon je ne me sens pas vraiment seul dans mon existence. Pas d'avantage chez moi, loin de tous, que dans une foule. Il ne dépend que de moi que je prenne le temps de tenter d'entrer en contact avec mes semblables, comme tu le décris.
C
Ah les mille plaisirs de la contemplation ! Les terrasses de café sont pour moi les lieux privilégiés de l'abandon heureux !
M
il m'a plu aussi ton texte.<br /> j'aime ces petits moments, anodins en apparence mais finalement si riches ...<br /> juste une remarque cependant sur ces femmes seules qui ne veulent pas donner l'impression de l'être : je pense qu'elles adoptent cette attitude pour ne pas se faire emmerder par les mecs ... tu sais, ceux qui ont le regard qui furète ! <br /> seules, oui, mais pas forcemment disponibles ...
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