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Les Mots de Pati
27 octobre 2009

la blanche hermine et le putois

    Il était une fois Gaston, un putois, qui se mourait d’amour pour Dora la blanche hermine. Mais la belle restait insensible au charme… décoiffant de Gaston.
    — Non mais franchement, mon pauvre ami, regardez-vous, disait Dora, hautaine, vous ne ressemblez à rien ! Ressaisissez-vous, que diable ! On dirait un STF ! (ndlr : Sans Terrier Fixe)
Mais le pauvre Gaston déversait son chagrin, inconsolable :
    — Ah, j’ai perdu mon eau, Dora ! Je ne suis qu’un poivrot, j’ai soif de votre amour, je souffre de votre dédain, mes larmes sont les confettis d’une fête où vous paradez au bras d’un autre, cruelle… Aimez-moi, Dora ou je serai capable du pire !
    —Mais non mais non. Et puis, qu’allez-vous imaginer, Gaston ? Vous n’êtes même pas noble, voyons...

    Eh oui, c’était bien là le hic. Gaston n’était qu’un roturier, un putois sans le sou, alcoolique de surcroît, qui passait ses nuits à la taverne de Maître Hibou, un vieux grigou proférant des conseils aussi nébuleux que son âme un jour de brouillard.
    — Ah bien sûr, môa, chuis pas bien né ! Chuis qu’un pov’putois de base ! Remplis ma coupe, Hibou, que l’alcool explose mes neurones en arabesques de lumière et efface toute mémoire de mon âme !
    —Mais tais-toi donc, Gaston ! Tu sais plus c’que tu dis. Tu s’rais un brave type si tu picolais pas autant, tu sais ? Et note que ta Dora, elle ferait moins la bégueule si tu reniflais pas si fort, quoi…
    — Renifler, moi ?! n’importe quoi ! Ok, chuis raide cuit tous les jours mais j’connais le savon, faut pas dire !
    — Ben alors investis dans une parfumerie, bouffe des roses, shoote-toi au déodorant, je sais pas mais fais quelque chose, pasque là, ta pucelle, elle est pas prête à faire des chatouilles à tes pralines, moi j’te l’dis !
    — Hibou ! Comment oses-tu !
    — Sérieux, mec… moi j’irais voir Féline. Depuis que Bambi est à la colle avec elle, l’a appris les bonnes manières, le gars ! Sûr qu’elle saura t’aider, elle.

    Alors Gaston alla voir Féline. Il y resta des heures, à avaler ses conseils, à en oublier de boire, de manger, et même de râler (mais pas de se laver, Féline resta intraitable). Enfin, il fut prêt. Et c’est dans son pelage du dimanche qu’il alla voir sa belle.
    — Dora, ma douce, écoute mes mots ! Je t’aime tant, Dora, j’ai appris à me servir de mes pattes pour manger aussi proprement que toi. Je me lave trois fois par jour, je met du parfum, j’ai arrêté de boire, Dora ! Je ne suis plus le pov’type qui te faisait honte, Dora. Je t’aime. Envole-toi avec moi vers les cimes de l’extase, viens partager ma vie, ma douce !
Un rire cristallin et cruel répondit à ce discours.
    — Mon pauvre ami, qui crois-tu donc être… tu me cries ta flamme les deux pieds dans la boue et tu me parles d’envol ? Ah ah ! Laisse-moi rire… dit Dora d’un ton cinglant. Je ne t’aime pas, ne t’ai jamais aimé et ne t’aimerai jamais !

    Gaston baissa les yeux : il pataugeait bel et bien dans la gadoue ! Il avait fait tant et tant d’efforts, et Madame ne voyait que ses deux pieds dans la boue ?! Lui qui avait tant rêvé de cet instant… voilà qu’elle qui gâchait tout !
Alors Dora se pencha vers lui, peut-être pour le toiser de toute la hauteur de son mépris ? On ne le saura jamais. Car Gaston empoigna la belle par le cou et lui flanqua son délicat minois dans la boue immonde et puante !
    — Et elle dit quoi, la snobinarde, maintenant, hein ? Toi qui a tout construit sur le paraître, qui crois-tu être à présent ! Tu ressembles maintenant à ce que tu es pour de vrai : une sale fouine au cœur sec, qui crèvera seule en haut de sa tour de garde ! Ah j’ai failli perdre mon cœur pour une donzelle sans cervelle. Permets-moi de garder mes pieds boueux, certes, mais ancrés dans le vrai, je te laisse la parade. Adieu, Dora. Va te laver, tu empestes…
Et sur ces mots, il tourna les talons et quitta là l’hermine. Définitivement et sans regret aucun.

Pour Kaléidoplumes
il fallait intégrer au texte les mots suivants :
Pralines, Confettis, Chatouilles, Arabesques, Talons

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Commentaires
G
... et si elle s'était laissée séduire, ce n'est pas lui qu'elle aurait aimé, mais celui qu'il faisait semblant d'être.
P
tu as raison, grenouille ;)<br /> <br /> nul n'est parfait... ainsi Gaston, par amour pour sa belle, est (ou était!) prêt à tout pour gagner son coeur, quitte à vouloir un peu forcer sa nature<br /> il faut croire qu'au moment décisif, c'est sa vraie nature et son bon sens qui l'a emporté ! la belle, en effet, ne l'aimait pas...
G
C'est une jolie histoire, il y a juste une chose qui me fait réfléchir : Gaston aussi mise sur l'apparence, non ? Il fait l'effort de changer en espérant séduire Dora, mais à l'intérieur il est bien toujours le même. Je ne sais pas l'expliquer très bien, mais cela me rappelle une anecdote : une petite fille se plaint auprès de sa mère qu'untel ne veut pas être son ami, et la mère lui répond "S'il avait bon goût, il t'apprécierait. S'il n'a aucun goût, pourquoi vouloir de lui comme ami ?"
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