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Les Mots de Pati
23 décembre 2007

au bord du gouffre...

lettreCela a fait 24 ans il y a onze jours que tu nous as quittés. Dire que tu m'as manqué toutes ces années est tellement loin de ce que je ressens. Pourtant, c'est le juste terme, un manque profond, toujours présent au creux de mon ventre. Oh ce n'est pas douloureux, c'est juste présent, toujours...
Depuis quelques temps (plusieurs années sois franche) je redoute ce qui va suivre, dans quelques jours... car dans 4 jours, je serai définitivement plus vieille que tu ne l'as jamais été.

Je ne sais pas vraiment comment poser des mots sur ce ressenti qui habite mes pensées. Evidemment, quand tu es morte, j'ai compris que raisonnablement, un jour, cela arriverait. Et pourtant, dans le même temps, cela m'a toujours paru inconcevable.
Une fille ne PEUT pas être plus vieille que sa mère, c'est pas logique. C'est hors norme, hors de toute conception mentale.
Cela a pris chez moi des allures de refus complet, en fait. A tel point que j'ai toujours pensé que je ne passerai jamais le cap des 47 ans. D'où certainement cette obsession de ne pas gâcher la moindre miette de mon énergie, vivre chaque instant dans toute sa plénitude, les pires comme les meilleurs...

Dans quatre jours, je n'aurai plus aucun repère.
Jusqu'ici, j'ai pu me référer à toi, à ton image dans ma mémoire, à ce que j'ai vu de toi. Même ta mort est un repère, en fait. Je pouvais me comparer à toi au même âge, j'avais un point de comparaison. il valait ce qu'il valait mais il existait. Dans quatre jours, je n'en aurai plus aucun.
Et j'ai la sensation d'un vide immense, d'un gouffre extrêmement difficile à franchir. Tellement difficile que pendant longtemps, je n'ai même pas eu l'envie de le franchir, pour tout dire.
Tu ne l'as jamais su, même si tu l'as certainement senti, mais j'ai failli mourir, à 16 ans. Depuis, j'ai toujours eu la certitude d'être en sursis. De vivre une vie que j'ai toujours eu beaucoup de mal à assimiler comme étant la mienne. D'où certainement cette impression d'être en suspens, de me regarder vivre, ce que parfois j'appelle mes "pouf, envolée", cela vient de là, je crois.

Ce manque de repère occupe toutes mes pensées depuis le début 2007. Depuis mes 47 ans. Et je me sens ... en attente. Je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à ce vide, qu'à cette barrière qui m'attend. Cela mange toute mon énergie, tout ce que je pourrais avoir envie de faire est "gelé", est mis en pause. J'attends. Et j'angoisse.
Je n'arrive même plus à écrire tant cette attente m'emplit. Mes mots se sont asséchés, ils sont vides de sens. Alors j'ai pensé m'occuper les mains puisque le cerveau ne fonctionne plus. Mais pour cela aussi, il faut de l'énergie, et j'en manque singulièrement.

Et puis, tu le sais, ta mort vient achever une période de deuil fournie, pour moi. Novembre est un mois que je n'aime plus vivre, depuis longtemps. une nostalgie triste m'emplit le cœur, à cette période. Mais jusque-là, je t'avais en point de mire, je n'avais qu'à puiser dans ma mémoire pour te revoir, pour t'entendre me rebooster le moral... et ça m'aidait à rebondir.

Je vais me sentir tellement seule, maintenant.
Pour en avoir parlé avec un de mes amis qui a connu ce sentiment étrange, j'ai compris qu'en fait, je dois refaire mon deuil de toi. T'enterrer une seconde fois. Et m'avancer seule au bord de ce précipice que sera la vie sans toi.

Je sais que je franchirai ce fleuve inconnu. Mais je ne sais pas dans quel état. Pour le moment, j'engrange de l'envie. J'avoue en manquer un peu mais je me force. Ma raison me force. Et grâce à toi, je suis têtue alors j'ai quelque espoir de réussir...

Tu as été tellement forte, maman. J'espère que je le serai autant que toi.

Je t'aime.

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Commentaires
J
J'écris ce commentaire bien en retard par rapport à la date de publication de ce texte, mais non pas parce que je ne l'avais pas lu avant, bien au contraire, je t'écris aujourd'hui parce que je pense souvent à ce que tu exprimes ici.<br /> ALors j'ai pensé....et je suis certaine que ta mère serait fiére de voir ce que tu fais de ta vie sans elle, sans les repéres qu'elles n'a pu te laisser après ses 47 ans. C'est un peu comme si tu prennais ton envol, à toi d'écrire l'histoire d'une femme après ses 4è ans. Vis ta vie, comme tu le souhaites, ta maman sera toujours à tes côtés pour te souffler quelques conseils ou pour te tenir la main.<br /> Je t'embrasse bien affectueusement.
H
Carpe diem Pati! Aime la vie pour ce qu'elle te donne comme pour ce qu'elle ne te donne pas. Tout pour que tu sois heureuse...<br /> Et bonne année 2008!
L
Que dire sur ces mots... maux...<br /> <br /> Je t'embrasse de tout coeur et te souhaite une très bonne année...<br /> Amicalement
P
Quatre jours... alors c'est aujourd'hui ?<br /> <br /> Ma mère à vécu cette situation de devenir plus vieille que sa mère, avec cette sorte de vertige après une échéance "indépassable". Elle m'en avait parlé, quoique avec moins de précision que tu le fais.<br /> <br /> Je te souhaite bonne continuation pour cette vie à inventer, sans autres repères que ceux que tu as construit auparavant. Je pense qu'ils ont une certaine fiabilité...
S
Je t'aime...Tu me manques<br /> <br /> C'est beau, mais que c'est dur cette immersion pour les retrouver, que c'est dur de leur écrire ces mots...Après...Après quand on se sent trop seul dans leur silence...<br /> Tu crois qu'elle aura un joli sourire en le lisant? Comme ces sourires bienveillants qui disent: je sais.<br /> Moi je l'espère toujours...<br /> Je t'embrasse Pati.<br /> Serai pas là à la bonne date, mais t'as un bisou supp pour l'anniv. <br /> Fais tourner...
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